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GegenStandpunkt 4-05
Emeutes
dans les banlieues françaises :
Des
pauvres et leur impudence – l’Etat et sa force
«Le
paupérisme est l’hôtel des invalides de l’armée
active du travail et le poids mort de sa réserve. Sa
production est comprise dans celle de la surpopulation relative, sa
nécessité dans la nécessité de celle-ci;
il forme avec elle une condition d’existence de la richesse
capitaliste. Il entre dans les faux frais de la production
capitaliste, frais dont le capital sait fort bien, d’ailleurs,
rejeter la plus grande partie sur les épaules de la classe
ouvrière et de la petite classe moyenne.» (Karl
Marx, Le Capital, livre premier, chapitre XXV)
La
mondialisation battant son plein, voilà qu’une partie
particulièrement mal vue et mal traitée de la
surpopulation relative se
révolte: des jeunes s’insurgent sans objectif
déterminé.
Par
rapport au besoin du capital national, une bonne partie de la
population française est tout simplement superflue: elle n’est
pas une réserve de main d’œuvre temporairement inemployée
à laquelle on ferait appel à la prochaine relance de la
conjoncture, elle est purement et simplement de trop. Ce destin
frappe telles ou telles personnes en fonction du calcul arbitraire
des employeurs privés et publics et en relation avec une
politique sociale de l’Etat qui épaule la populace non
utilisée et en conséquence tombée dans la misère
en lui cédant quelques Euros et en la logeant dans des
banleues miteuses, la conduisant à sombrerdavantage. Comme si
cela allait de soi, cette distinction touche en premier lieu, et de
génération en génération, de plus en plus
durement les immigrants venus des anciennes colonies et protectorats
de la Grande Nation, en lesquels l’esprit civique de discernement
bien ancré dans le peuple français reconnaît
facilement l’engeance qui ne fait pas vraiment partie de la nation
et est plus ou moins inférieure – les exceptions confirmant
la règle. Le résultat est fixé par les autorités
publiques qui définissent par leur pratique comment elles
entendent traiter cette partie de la population: en fonction de sa
contribution presque nulle au produit national brut. Pour elles, ces
gens-là, souvent conduits á la criminalité, ne
font que gêner, leurs adolescents complètement inutiles
empêchent de maintenir l’ordre, de telle sorte qu’elles ne
leur épargnent aucune chicanerie:
«Ils ne te jugent
que d’après ton aspect extérieur et t’injurent.
Même quand tu as tes papiers sur toi, ils te les arrachent de
la main et te pressent la figure contre le mur. Après cela,
ils te déshabillent pratiquement entièrement et te
touchent les parties génitales pour chercher des drogues.»
(Journal «Süddeutsche Zeitung» du
10.11.05)
Les
personnes concernées, dont la plupart a en effet une carte
d’identité française et estime obstinément
appartenir, comme tous les honnêtes citoyens, à la
communauté qui les met impitoyablement à l’écart,
ressentent un sentiment d’injustice qui les révolte:
«On nous dit sans
arrêt de respecter ceci ou cela. Mais nous, qui nous respecte?
Tant que nous restons calmes, on se fout complètement de
nous!» (Neue
Zürcher Zeitung-Online, 6.11.05)
Leur
rage s’exprime par des déprédations d’équipements
publiques, mais sans objectif politique – on entendit ça et
là revendiquer la démission du Ministre de l’Intérieur,
mais il ne s’agit là que d’un reflet du mécontentement
de l’opinion publique face à des autorités incapables
de mater ces tumultes en un tour de main. Ils expriment leur colère
à l’occasion de la mort de deux jeunes poursuivis par la
police, et le vocabulaire polémique et haineux employé
par le Ministre de l’Intérieur leur livre les termes à
utiliser.
*
La
réponse de l’Etat est claire. Il traite les troubles comme
une atteinte à l’ordre public, comme il le fait dans le cas
des jeunes qui battent le pavé et de la criminalité
habituelle dans ses cités, mais avec plus de vigueur encore.
Cette fois-ci, il réactive même un vieux droit
d’exception dispensant ses forces de police des égards
conformes au droit en vigueur et les envoie frapper sur les casseurs
jusqu’à ce que ces derniers abandonnent. Après cela,
l’Etat prend une initiative sociale qu’encore personne ne trouve
cynique: Encouragé par l’opposition socialiste et secondé
financièrement par la Commission Européenne (Bruxelles
aide Paris!), le gouvernement prévoit des mesures destinées
à mieux intégrer
ces gamins de banlieue dévergondés. L’arsenal de
contrôles et de chicaneries est complété par la
proposition qui leur est maintenant faite de s’inscrire
volontairement dans la liste de la surpopulation relative et d’y
installer paisiblement leur existence: dès le plus jeune âge,
sur les terrains de jeux encadrés par de gentils travailleurs
sociaux, en rêvant d’un avenir à la Zinedine Zidane;
durant leur scolarité, le service d’aide aux devoirs de
classe prenant soin d’eux; une fois adolescents, en suivant un
apprentissage qui ne leur promet pas un avenir de main d’œuvre
qualifiée, mais qui leur apprend la discipline; ou bien, étant
donné que de telles places d’apprentissage sont rares et le
resteront probablement, en effectuant un service civil qui reste
encore à créer … Et alors, pense-t-on, la phase
dangereuse de l’existence durant laquelle les êtres humains
ont tendance à être récalcitrants passera ainsi
sans causer plus de dommages…Car après cela, on s’est
habitué à rester calme; et alors les gens pauvres
définitivement garés dans des quartiers appropriés
ne commettront plus rien qui puisse inquiéter les braves
citoyens. L’Etat prend systématiquement en main la volonté
encore inachevée de la progéniture de sa surpopulation
jusqu’à ce qu’il soit sûr qu’elle s’est bien
rangée et que ce «poids mort» se traîne sans
se faire remarquer et sans déranger l’ordre: C’est cela
l’intégration.
*
Et la
France ne serait pas une démocratie si ses dirigeants ne
savaient pas y ajouter un cynisme particulier: Quand la violence
sévit, surtout celle de la police, il arrive vite un homme
politique responsable qui se présente comme une autorité
énergique, et aussi vite un concurrent qui reproche au
responsable de mal s’y prendre. Dans une démocratie qui
fonctionne comme il faut, la misère est là pour être
maîtrisée par l’Etat: selon ce critère, le
ministre concerné peut se mettre en valeur en tant que futur
candidat à la présidence, et si l’opposition le
discrédite, le public sait ensuite mieux pour qui voter.
*
L’opinion
publique pluraliste savoure cette concurrence, suit avec intérêt
les détails de son évolution en s’y mêlant
d’avance autant que possible; parallèlement à cela,
elle se répand avec entousiasme en préoccupations
relatives à l’ordre public, se surpasse pour inventer des
solutions susceptibles de consolider ou de redresser un esprit
civique défaillant; par ailleurs, elle vit son pluraralisme à
travers une bien profonde et sérieuse recherche des causes.
Car à peine a-t-elle pris connaissance d’une frappante
proportion de misère au milieu du plus superbe capitalisme,
qu’elle se consacre avec abandon à l’identification des
raisons pour lesquelles ces conditions d’existence n’ont
pas, quelques nuits durant, été
subies avec patience. A-t-on peut-être omis de proposer des
mesures d’intégration suffisantes? A-t-on trop cru aux
théories de gauche qui mettent tout dans le même panier
et veulent ignorer les déficits propres aux immigrants? Est-ce
après tout la faute de l’islam/isme? Y a-t-il des
terroristes ou simplement la mafia de la drogue derrière tout
ça? Ou bien est-ce dû à la polygamie ou de
mauvaises conditions d’habitation? Ou peut-être carrément
à l’architecture, à ces quartiers sans âme?
Cette
dernière hypothèse est la bonne. Le gouvernement a déjà
fait sauter un bon nombre d’immeubles il y a quelque temps.
*
Sur la
rive droite du Rhin, on est assez choqué, mais sans plus, et
d’ailleurs comme en France, on sait très bien ce qu’il
faut faire. On a aussi suffisamment de quartiers pauvres; la
surpopulation qui les habite se recrute en Allemagne parmi les
couches inférieures de la population ouvrière venues de
l’étranger. Et resterait à savoir si la faculté
d’intégration turque est plus fiable que la maghrébine:
«Même si la
realité sociale n’est pas la même chez nous, il ne
faudrait pas que nous nous bercions de l’illusion que ce qui est
arrivé en France ne pourrait pas arriver chez nous.»
Mais
Monsieur Bosbach, qui appartient à la fraction conservatrice
du Bundestag, n’est pas le seul à connaître la
solution:
«C’est sur
trois niveaux qu’il faut agir: Premièrement il faut
renforcer les efforts d’intégration. Deuxièmement, il
faut que nous appliquion efficacement le droit pénal et la
législation relative aux étrangers. Et troisièmement,
il serait temps d’aller voir et écouter ce qui se passe à
l’intérieur des mosquées.»
(Frankfurter Allgemeine Zeitung, 5.11.2005)
La
misère du «poids mort» pourra ainsi continuer de
s’accroître sans que cela tourne mal.
(Article
traduit du magazine trimestriel GegenStandpunkt No. 4-05)