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La Russie lutte pour s’affirmer comme une puissance stratégique – les États-Unis veulent l’éliminer en tant que telle

Au beau milieu de notre belle Europe et de son merveilleux ordre de paix, la guerre reprend tout à coup ? Comment en est-on arrivé là ? Mais oui, comment ? En tout cas, ce n’est pas une guerre qui a éclaté d’un seul coup, au milieu de la plus belle des paix. Elle n’a pas non plus été déclenchée pour des raisons insaisissables par un autocrate russe dérangé. En effet, dans ce cas-là aussi, les raisons de la guerre sont créées en temps de paix. Par des États qui, dans leurs relations réciproques, en sont une fois de plus arrivés au point de penser qu’ils doivent s’infliger mutuellement une défaite écrasante. Dans le cas présent, les raisons ont mûri depuis bien longtemps. Et ce n’est pas non plus un hasard si c’est en Ukraine que cela se passe maintenant.

Cela fait maintenant près d’un quart de siècle qu’un penseur stratégique clairvoyant et conseiller en sécurité du président américain a estimé que le destin de la Russie, son statut et son rôle dans le monde, se décidaient en Ukraine :

« On ne saurait trop insister sur le fait que, sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire, mais qu’avec une Ukraine subvertie puis subordonnée, la Russie devient automatiquement un empire. » (Brzezinski, Cité d’après Justin Vaïsse : « Zbigniew Brzezinski : Stratège de l’empire », 2015)

Ce stratège américain sait qu’il est d’une importance stratégique décisive pour la Russie de garder ce grand État voisin de son côté sur le plan politique. Et bien entendu, son évaluation ne signifie pas que les intérêts vitaux de la Russie sont en jeu et qu’ils doivent être pris en considération dans les relations avec cet État. C’est exactement l’inverse : en s’emparant de l’Ukraine, la première puissance mondiale américaine fait un pas décisif vers son objectif stratégique d’effacer son rival, la Russie, en tant que puissance militaire.

Dans ce même but, les États-Unis et leurs alliés dans l’OTAN et dans l’UE ont systématiquement transformé les États souverains issus de l’effondrement de l’Union soviétique dans le voisinage occidental de la Russie en une zone dominée par les pays de l’OTAN et associée politiquement et économiquement à l’UE. Pour caractériser cette relation de domination, l’étiquette de ‘sphère d’influence’ est loin d’être suffisante, étant donné que ce groupe d’États est fermement ancré dans les alliances occidentales et que – ce qui revient au même – l’influence et les intérêts russes en ont également été exclus systématiquement. Pour ce faire, on s’est servi de la situation économique désastreuse des anciens alliés soviétiques et des républiques soviétiques et on leur a ouvert la perspective d’un rattachement au puissant marché commun. La décision n’a pas non plus été entièrement laissée à la libre volonté des peuples. Soutenue par les États-Unis, l’UE a imposé son élargissement vers l’Est par des mesures politiques ciblées : elle a encouragé par tous les moyens, sous forme d’innombrables soi-disant ONG et ‘conseillers’, le nationalisme délivré dans ces pays de l’Est, dans la mesure où celui-ci était dirigé contre l’ancienne puissance alliée, à savoir l’ensemble de l’Union soviétique, et ce afin de l’établir comme leur raison d’État. Cette mainmise a été progressivement garantie militairement, cet ensemble d’États a été largement intégré à l’OTAN et a été transformé en site d’opération des forces de l’OTAN.

L’Ukraine quant à elle n’a pas non plus été laissée de côté. Dans une première tentative, la ‘révolution orange’ de 2004 a porté au pouvoir le ‘pro-occidental’ Iouchtchenko et, en 2008, les États-Unis ont offert à l’Ukraine et à la Géorgie la perspective d’entrer dans leur alliance de guerre. Après le remplacement de Iouchtchenko par Ianoukovitch, une deuxième tentative a lieu : en 2014, ce dernier, après avoir refusé l’accord d’association avec l’UE, est renversé par un soulèvement sur le Maidan organisé avec l’aide des États-Unis. Le camp nationaliste antirusse prend le pouvoir et déclare immédiatement l’Ukraine comme ensemble devant être protégé par l’UE et les États-Unis. L’UE a d’ailleurs expressément fait savoir que c’était là le but ultime de son élargissement à l’Est : le rattachement prévu de l’Ukraine à l’UE ne concerne pas la Russie, disait-on à l’époque, et il n’est pas question de négocier avec elle à ce sujet.[ 1 ]

Toutefois, en faisant ainsi, l’Europe avait épuisé sa méthode de conquête pacifique. Dans ce cas, la Russie ne s’est pas contentée de protester en acceptant que ses intérêts stratégiques et autres soient ignorés. Elle est à son tour passée à l’action, elle a annexé la Crimée, soutenu activement le soulèvement dans l’est de l’Ukraine, où une grande partie de la population rejetait la ligne antirusse suivie par Kiev, et a ainsi pratiquement fait comprendre qu’une ligne rouge avait été franchie.[ 2 ] L’autre camp a ensuite effectué la transition vers l’ostracisme et les sanctions à l’encontre de la Russie. Il a pour cet objectif mobilisé le reste des États du monde et a ainsi clairement annoncé que la Russie devait céder et accepter son encerclement et les progrès de ce dernier.

Personne n’a pu ignorer pendant tout ce temps de quoi il s’agit : d’une lutte de pouvoir au plus haut niveau. Dans cette lutte, il s’agit pour l’un de s’affirmer en tant que puissance qui fait valoir ses intérêts dans le monde, qui lutte pour son influence sur des souverains étrangers, qui revendique un statut à la hauteur de ces ambitions et qui dispose également, grâce à son armement, des moyens nécessaires pour y prétendre – et pour l’autre d’imposer son ordre mondial, dans lequel il n’y a pas de place pour une telle Russie, précisément parce que la prétention américaine à la domination mondiale est indivisible.

I. La Russie opère un virage

1. Le Kremlin fait le bilan

Le gouvernement russe présente les résultats de toute l’étape post-soviétique du merveilleux nouvel ordre mondial et lance de graves accusations : en 30 ans, avec l’avancée de l’OTAN, toutes les assurances données à ce sujet dans le cadre des négociations ‘deux plus quatre’ ont été rompues.

« Tout le monde sait qu’on nous avait promis que l’infrastructure du bloc de l’OTAN ne s’étendrait pas d’un centimètre vers l’Est. Tout le monde le sait. Aujourd’hui, nous voyons où se trouve l’OTAN : en Pologne, en Roumanie et dans les pays baltes. Ils ont dit une chose et en ont fait une autre. Ils nous ont tout simplement trompés. » (Vladimir Poutine, 1/02/22) [ 3 ]

Que la promesse ait été faite par écrit, oralement ou tout bonnement pas, la polémique, au nom de laquelle on fouille dans les archives et en mobilisant les notes de compte rendu ainsi que la mémoire des personnes impliquées dans ce processus, peut certes être importante pour les justifications basées sur le droit international de la part des pays de l’OTAN. Mais, vu la situation stratégique évidente, les démentis occidentaux à ce sujet relèvent de la manœuvre de diversion : en fait, l’alliance occidentale ne s’est pas seulement incorporée l’ensemble de l’ancien glacis de l’Union soviétique avec les États du Pacte de Varsovie, mais en plus elle traite désormais ces États (ainsi que d’anciennes républiques soviétiques telles que la Géorgie et l’Ukraine) comme des parties intégrantes de son front contre le Kremlin et elle se rapproche directement des frontières russes avec son infrastructure militaire.

« Avant, l’OTAN jouait avec des termes comme ‘déploiement temporaire’. Maintenant, elle parle d’une présence entièrement soutenue et tournante. Cela signifie en réalité une présence permanente... Si l’on lit les rapports des principaux centres de sciences politiques occidentaux, ils admettent volontiers que l’OTAN s’est créé ses propres points faibles en déplaçant ses frontières dans la banlieue de Saint-Pétersbourg. Dans le même temps, la distance entre Tallinn et Saint-Pétersbourg peut être parcourue à vélo ; les avions de combat de l’OTAN peuvent atteindre Saint-Pétersbourg en moins de dix minutes. » (Vice-ministre des Affaires étrangères Alexander Gruschko, Rossijskaja Gaseta, 20/12/21)

Le bilan russe en détail :

a) Pour la Russie, c’est en particulier la transformation de l’Ukraine en un État du front résolument antirusse qui confère à la menace militaire une qualité nouvelle, décisive pour la guerre.

« Ce qu’ils font, tentent ou planifient en Ukraine n’a pas lieu à des milliers de kilomètres de nos frontières. Cela se passe juste devant notre porte. Ils doivent comprendre que nous n’avons tout simplement nulle part où nous replier encore. » (Vladimir Poutine, 21/12/21)

– L’armée ukrainienne, entraînée depuis 2016 dans le cadre du « Comprehensive Assistance Package for Ukraine » dans toutes ses sections par les pays de l’OTAN les plus divers avec des centaines d’instructeurs qui se répartissent le travail, s’est rapprochée des standards de l’OTAN en matière d’armement, d’organisation et de technique de combat dans le cadre de manœuvres plus ou moins ininterrompues et a énormément gagné en force de frappe. D’une troupe dépravée de quelques milliers de soldats à peine opérationnels, battue à plate couture lors de la guerre du Donbass, on est passé à un adversaire sérieux doté de capacités militaires propres.[ 4 ] Environ la moitié de l’armée ukrainienne se trouve sur la ligne de contact à l’est, à laquelle s’ajoutent les formations armées de la droite ukrainienne. Les troupes sont équipées en grande quantité d’armes usagées mais également, et de plus en plus, d’appareils américains modernes. Ceux-ci ne sont désormais plus stockés loin du front – comme l’exigeait encore l’administration Trump – mais ils sont déployés. Depuis peu on y décompte aussi des drones de combat turcs. Voici ce qu’il en est du respect du soi-disant cessez-le-feu de la part de l’Ukraine. L’armée de l’air américaine fournit quant à elle les données nécessaires pour envahir les républiques séparatistes.[ 5 ]

La capacité militaire de l’Ukraine a augmenté en conséquence et le gouvernement actuel ne laisse planer aucun doute sur sa volonté de mener une guerre, comme en témoignent le déploiement de ses forces armées au printemps 2021 et les planifications stratégiques correspondantes auxquelles la Russie fait référence :

« En mars 2021, l’Ukraine a adopté une nouvelle Stratégie militaire. Ce document est presque entièrement consacré à la confrontation avec la Russie et vise à entraîner des États étrangers dans un conflit avec notre pays. La stratégie propose l’organisation de ce que l’on peut qualifier d’organisation terroriste clandestine en Crimée russe et dans le Donbass russe. Cette Stratégie dessine également les contours d’une guerre en préparation, qui devrait se terminer, comme le pensent les stratèges actuels de Kiev, et je cite encore, ‘avec l’aide de la communauté internationale dans des conditions favorables à l’Ukraine’. Et aussi, comme Kiev l’exprime aujourd’hui, et je le cite ici aussi, écoutez plus attentivement, s’il vous plaît – ‘avec le soutien militaire de la communauté internationale dans la confrontation géopolitique contre la Fédération de Russie’. » (Vladimir Poutine, 22/02/22) [ 6 ]

Au printemps, l’Ukraine a certes encore été freinée par ses puissances protectrices,[ 7 ] mais une menace de guerre durable y persiste pour les deux ‘républiques populaires’ et leur puissance protectrice, la Russie.

– Avec la prise de possession de l’Ukraine par l’Alliance atlantique, la Russie perd son principal avant-poste stratégique en Europe. Ou, pour le dire de manière inversée, l’OTAN actuellement se trouve directement à la frontière avec la Russie, longue de plus de 2000 km : Elle domine presque entièrement l’ancien pré-carré russe et l’équipe rapidement avec de plus en plus de moyens de guerre (développement d’aéroports, de stations radars, de bases navales), y compris des équipements lourds comme l’artillerie de missiles d’une portée d’environ 1 000 kilomètres. L’armement le plus menaçant pour la Russie en Ukraine est bien sûr le déploiement de missiles nucléaires à courte et moyenne portée, à nouveau autorisés après le retrait des États-Unis du traité FNI.[ 8 ]

– Les capacités encore modestes de la marine de guerre ukrainienne, utilisées en association avec les forces de l’OTAN pour limiter la capacité de manœuvre de la flotte russe de la mer Noire et son accès à la Méditerranée, sont rapidement développées, notamment avec l’aide britannique. Une infrastructure militaire moderne et conforme aux normes de l’OTAN est créée en mer Noire. L’Ukraine a reçu de nouvelles frégates et de nouveaux navires de débarquement, un complément précieux aux destroyers et aux frégates de l’OTAN qui croisent et s’entraînent régulièrement en mer Noire avec à leur bord quelques dizaines de missiles de croisière et/ou de missiles qui peuvent être équipés d’ogives nucléaires. Ceux-là constituent déjà pour la Russie un front stratégique propre de plus en plus menaçant à la périphérie sud de la Russie.[ 9 ]

– L’OTAN s’exerce à la guerre sur le site ukrainien dans le cadre de manœuvres permanentes[ 10 ] dans pratiquement tous les formats et toutes les missions, de l’opération de débarquement de nuit au tir de missiles sur les centres de pouvoir russes et aux exercices de dissuasion, y compris avec des armes nucléaires, le tout sans adhésion formelle de l’Ukraine à l’Alliance. L’ampleur de ces manœuvres avec la participation de la Géorgie et de l’Ukraine comprend à certains moments des provocations proches de la transition à la guerre ouverte : au printemps dernier, un destroyer britannique en plein état d’alerte au combat a mis le cap sur le port d’attache de la flotte russe de la mer Noire et ne s’est laissé arrêter que par les bombardements de l’armée de l’air russe. Tout cela exige de l’adversaire qu’il soit constamment prêt à la guerre. Et cela ne se limite pas à l’Ukraine ; des manœuvres de l’OTAN avec des armes lourdes ont lieu tout au long de l’année à toutes les frontières russes, ce qui représente et doit représenter un risque d’invasion permanent. Le prochain exercice est annoncé dans l’Arctique, où des États ‘neutres’ comme la Finlande et la Suède sont impliqués comme si c’était tout à fait évident. Et l’alliance atlantique leur signale expressément que leur sécurité ne peut être garantie qu’au sein de l’OTAN.[ 11 ]

Tout cela s’additionne et crée ainsi une structure militaire capable d’ouvrir au pied levé sur plusieurs segments de front à la fois des scénarios de guerre que le Kremlin ne pourra plus maîtriser avec des moyens conventionnels :

« Avec l’apparition d’armes de destruction massive en Ukraine, la situation dans le monde, en Europe, et surtout pour nous, pour la Russie, va changer de façon spectaculaire. Nous ne pouvons pas ne pas répondre à ce danger réel, surtout, je le répète, que des mécènes occidentaux pourraient faciliter l’apparition de telles armes en Ukraine afin de créer une autre menace pour notre pays. Nous pouvons voir avec quelle persistance le renforcement militaire du régime de Kiev est effectué. Depuis 2014, les États-Unis ont envoyé à eux seuls des milliards de dollars à cette fin, notamment des armes, des équipements et des formations spécialisées. Au cours des derniers mois, les armes occidentales ont afflué en Ukraine à un rythme soutenu, de manière démonstrative, au vu et au su du monde entier. Les activités des forces armées et des services de sécurité ukrainiens sont dirigées par des conseillers étrangers, nous en sommes bien conscients… Ces dernières années, des contingents militaires des pays de l’OTAN ont été présents sur le territoire ukrainien de manière quasi continue sous le prétexte d’exercices. Le système de commandement et de contrôle des troupes ukrainiennes est déjà intégré aux troupes de l’OTAN. Cela signifie que le commandement des forces armées ukrainiennes, même des unités et sous-unités, peut être exercé directement depuis les États-majors de l’OTAN. » (Vladimir Poutine, 21/02/22)

Le ‘danger réel’ que constate la Russie n’est pas une vision imaginée, il n’est pas seulement ‘ressenti’, mais coïncide avec la réalité d’un énorme déploiement des forces militaires de l’OTAN à l’Est. C’est tout cela que les experts militaires de l’OTAN, avec leur sobriété à toute épreuve, prennent pour un fait accompli lorsqu’ils partent, dans leurs planifications, du principe que le ‘rapport de force conventionnelle’ en Europe centrale et orientale s’est massivement ‘déplacé’ au détriment de la Russie. A tout cela s’ajoute le fait que l’OTAN continue décidément à classifier la Russie comme ennemi : une classification officielle en raison de l’obstination russe à revendiquer son droit à être une puissance stratégique dominante en Europe de l’Est.[ 12 ] Et ce n’est pas tout.

b) Le poste suivant dans le bilan russe sont les bases de missiles en Pologne et en Roumanie, qui pourraient être prochainement complétées par d’autres en Ukraine, comme indiqué précédemment :

« Il est extrêmement préoccupant que des éléments du système de défense global américain soient déployés à proximité de la Russie. Les rampes de lancement ‘MK-41’, qui se trouvent en Roumanie et doivent être déployées en Pologne, sont conçues pour lancer des missiles ‘Tomahawk’. Si cette infrastructure continue à être développée et que les systèmes de missiles des Etats-Unis et de l’OTAN sont déployés en Ukraine, leur temps de vol vers Moscou ne sera que de 7 à 10 minutes, voire de cinq minutes pour les systèmes hypersoniques. C’est un grand défi pour nous et pour notre sécurité. » (Vladimir Poutine, 21/01/22)

C’est ainsi que les États-Unis peuvent s’offrir l’option de détruire en quelques minutes des grandes villes, des centres de commandement, des silos de missiles, différentes infrastructures décisives pour la guerre dans la partie européenne de la Russie : donc l’option d’infliger à l’ennemi des dommages catastrophiques impossibles à éviter militairement et de le priver en même temps de la capacité de riposter efficacement. Autrement dit, les Etats-Unis ont l’option pour la « frappe de décapitation » dont les stratèges américains rêvent depuis longtemps.[ 13 ]

c) Les ‘inquiétudes’ russes (un langage condescendant par lequel l’Occident rejette diplomatiquement la définition russe de la situation) sont renforcées par le fait que l’Amérique est depuis la fin de l’Union soviétique progressivement sortie de tous les traités de contrôle des armements : à l’exception de New START, confrontant ainsi la Russie avec une nouvelle version de la course à l’armement poursuivi par le Président Reagan.[ 14 ]

« Gruschko [vice-ministre russe des Affaires étrangères] a souligné la dégradation totale du système de contrôle des armements : ‘Tout a commencé lorsque les États-Unis se sont retirés du traité sur les missiles balistiques. Ils ont ensuite empêché les pays de l’OTAN de ratifier l’accord sur l’adaptation du Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), qui pourrait servir de pierre angulaire à la sécurité européenne. Ensuite, l’administration américaine a abandonné le traité FNI (sur l’élimination des missiles à moyenne et courte portée). Et l’année dernière, le traité ‘Ciel ouvert’ a été sérieusement érodé... Dans leur politique militaire, les États-Unis et leurs alliés ont tenté d’obtenir la supériorité dans tous les espaces : sur terre, dans l’air et sur mer. Désormais, l’espace et le cyberespace viennent s’y ajouter. Ainsi que tous les théâtres d’opérations de combat possibles. Sur le plan conceptuel, opérationnel et technique, le seuil d’utilisation des armes nucléaires est abaissé. Nous constatons que les scénarios de différents exercices comportent une composante nucléaire, ce qui nous préoccupe au plus haut point.’ » (TASS, 12/1/22)

d) De plus, la Russie a dû constater que tous ses efforts diplomatiques pour faire reconnaître ses intérêts en matière de sécurité sont restés lettre morte. Les offres dans le sens d’une ‘maison commune européenne’, c’est-à-dire la proposition de construire une ‘architecture de paix européenne’ sont restées sans réponse, tout comme l’alternative présentée par Poutine lors de la conférence de Munich sur la sécurité en 2007.[ 15 ]

« Nous avons soumis un projet de Traité de sécurité européenne à nos collègues occidentaux en 2009. Nous avons été mal compris, de manière très impolie. On nous a dit que cela ne serait jamais discuté. Nous avons cité des textes de documents, dont la Charte de sécurité européenne, d’autres documents où il était écrit que l’indivisibilité de la sécurité devait être respectée. Nous avons dit que nous voulions traduire les engagements politiques que nous avions tous pris sous une forme juridiquement contraignante. La réponse a été très révélatrice : des garanties de sécurité juridiquement contraignantes ne peuvent être données qu’aux membres de l’Alliance du Traité de l’Atlantique Nord. » (Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères, 14/1/22)

« Il y a plus de deux ans, après la ‘rupture’ par les Américains du Traité sur les missiles à portée intermédiaire et à plus courte portée (FNI), nous avons fait circuler l’initiative du Président russe Vladimir Poutine auprès de pratiquement tous les membres de l’OSCE. Il a appelé à rejoindre le moratoire unilatéral que nous avions imposé sur le déploiement de missiles terrestres à portée intermédiaire et à plus courte portée. Il était conditionné au non-déploiement des mêmes systèmes de fabrication américaine. Nous avons proposé de faire de ce moratoire un moratoire conjoint. Lorsque nous avons annoncé ce moratoire pour la première fois, les Américains, les Européens et l’Otan ont dit que nous étions rusés : nous avions déjà déployé des missiles Iskander dans la région de Kaliningrad, et nous voulions qu’ils n’aient pas la même possibilité. Dans cette initiative, il y a deux ans, le Président russe Vladimir Poutine a suggéré de convenir de mesures de vérification, qui ont ensuite été précisées par notre Ministère de la Défense. Il s’agissait de les inviter à venir à Kaliningrad, à inspecter les systèmes Iskander qui s’y trouvaient et pour qu’ils s’assurent (comme nous l’avons suggéré à plusieurs reprises) qu’ils ne tombaient pas sous le coup des interdictions imposées par le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. En contrepartie, nous aurions visité les bases américaines de défense antimissile en Roumanie et en Pologne pour voir à quoi ressemblaient les lanceurs MK-41. Lockheed Martin, qui les fabrique, les présente sur son site comme des systèmes à double usage : pour la défense antimissile et le lancement de missiles de croisière… À l’époque, les pays de l’Otan ont dit que c’était ’inutile’... Le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a de nouveau fait part de ses suspicions en déclarant qu’il s’agissait d’une proposition ‘douteuse’. »  (Sergueï Lavrov, 13/01/22)

e) Quant à la diplomatie ukrainienne en « format Normandie », la Russie ne se fait plus d’illusions sur les ‘efforts de médiation’ franco-allemands. La France et l’Allemagne n’agissent pas en tant que médiateurs honnêtes, mais couvrent le refus ukrainien de remplir ses obligations fixées dans les accords de Minsk[ 16 ] et la tentative d’annuler à la table des négociations ce que l’Ukraine avait dû signer à l’époque en raison de la supériorité militaire de la Russie – des objectifs que les hommes politiques ukrainiens ont entre-temps officiellement proclamés.[ 17 ]

« Ce qu’ils [nos collègues occidentaux] auraient dû faire sérieusement et sans jouer, c’est forcer Vladimir Zelenski à remplir la résolution 2202 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui avait approuvé les Accords de Minsk. … Maintenant, ils [les représentants de l’Ukraine] proposent de faire l’inverse : ‘Rendez-nous la frontière, et ensuite nous verrons s’il y aura une procédure de statut particulier ou d’autres décisions’. Voici le projet de loi dont le Président russe Vladimir Poutine a parlé plusieurs fois au Président français Emmanuel Macron et à la Chancelière allemande Angela Merkel, et hier il l’a mentionné au Chancelier Olaf Scholz : ‘Sur la politique nationale de la période de transition’. Il a été soumis par le gouvernement ukrainien au parlement ukrainien. Ce projet de loi interdit aux représentants officiels ukrainiens de remplir les Accords de Minsk. Il y a une lustration [révocation des employés politiquement compromis de la fonction publique] au lieu de l’amnistie, une administration militaro-civile au lieu du statut particulier et aucune élection convenue avec cette partie de l’Ukraine, simplement un ‘rétablissement du contrôle sur les territoires occupés’, pour reprendre leurs termes. Malgré les promesses des Français et des Allemands de dissuader Vladimir Zelenski de promouvoir cette loi, ils l’intègrent déjà activement au processus législatif. Le Conseil de l’Europe a été saisi. La Commission de Venise [du Conseil de l’Europe] leur a dit que tout était normal. Elle a formulé des commentaires juridiques techniques, mais la Commission de Venise n’a pas mentionné que c’était directement contraire à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. » (Sergueï Lavrov, 22/12/21)

Les négociateurs européens réagissent aux protestations russes par des déclarations semi-publiques selon lesquelles on ne peut tout simplement pas demander à Zelenski de remplir ses obligations contractuelles, et ce afin d’assurer la durabilité de son gouvernement :

« Lavrov a déploré les déclarations de Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas selon lesquelles le projet russe contenait des points qui ‘ne seront certainement pas acceptés’ dans le format Normandie, notamment ‘l’organisation d’un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk’. » (Le ministère russe des Affaires étrangères publie un échange de lettres avec l’Allemagne et la France sur l’Ukraine, fr.rt.com, 17/11/21)[ 18 ]

Ailleurs, les plus hauts représentants européens ‘louent’ la politique de l’Ukraine et encouragent ainsi le gouvernement Zelenski dans son point de vue revanchiste :

« Littéralement deux jours après l’entretien téléphonique où les dirigeants de la France et de l’Allemagne ont confirmé leur entier attachement aux Accords de Minsk, Kiev a accueilli le sommet UE-Ukraine. Une vague déclaration y a été adoptée, signée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, par le président du Conseil européen Charles Michel et par le Président ukrainien Vladimir Zelenski, qui stipule directement que Kiev ‘remplit parfaitement les Accords de Minsk au format Normandie et dans le Groupe de contact. Il n’y a aucune mention de Donetsk et de Lougansk ni de la nécessité d’un dialogue direct avec eux. La Russie y est qualifiée de ‘pays-agresseur’, de ‘partie au conflit’ dans le Donbass. Tout cela est complètement contraire aux promesses d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron. » (Sergueï Lavrov, 22/10/21)

Face à cette confrontation, le ministère russe des Affaires étrangères, dans une rupture affichée des usages diplomatiques, publie la correspondance de Le Drian et Maas afin de présenter à l’opinion publique mondiale la preuve que les négociateurs européens trahissent leurs engagements diplomatiques et la manière dont ils le font :

« Je suis sûr que vous comprendrez la nécessité d’une telle démarche non conventionnelle, car il s’agit de faire connaître à la communauté internationale qui, en vérité, respecte les obligations de droit international, convenues au plus haut niveau, et comment elles sont respectées. » (Le ministère russe des Affaires étrangères publie un échange de lettres avec l’Allemagne et la France sur l’Ukraine, fr.rt.com, 17/11/21)

« Les Français et les Allemands, en tant que coauteurs de ce document et membres du format Normandie, commençaient à se mettre à 100% du côté du régime ukrainien. … Une rencontre a été récemment organisée en marge du sommet du Partenariat oriental à Bruxelles entre le Président ukrainien Vladimir Zelenski et les dirigeants de l’Allemagne et de la France. Un soutien total aux actions de Kiev pour remplir les Accords de Minsk a été également exprimé à son issue. Soit nos collègues ont montré qu’ils étaient incapables de garantir la mise en œuvre de ce qu’ils ont écrit avec nous, soit ils se sont engagés à saper intentionnellement les Accords de Minsk au profit du régime de Kiev. » (Sergueï Lavrov, 22/12/21)

C’est la conclusion que le chef de la diplomatie russe tire de ces nombreux cycles de négociations : soit les ‘partenaires’ européens ne sont pas en mesure de contraindre l’Ukraine à remplir ses obligations contractuelles, ou bien ils n’en ont pas la volonté. Soit ils n’ont pas le pouvoir politique nécessaire, ou bien ils font de l’arnaque ; en tout cas, ils ne sont pas des partenaires de négociation valables et la Russie fait ses adieux au format Normandie qu’elle considère comme inutile.

2. La Russie trace une ligne rouge que l’Occident ne doit pas dépasser : le rattachement de l’Ukraine à l’OTAN

La perspective de l’incorporation de l’Ukraine dans l’OTAN, non seulement de facto mais aussi de jure, constitue une menace stratégique essentielle pour la Russie. Lavrov souligne que les pays de l’OTAN rendent l’Ukraine capable d’entreprendre des actions militaires, pour qu’elle soit en mesure d’entraîner directement la Russie dans une guerre avec l’OTAN après son adhésion à l’alliance occidentale :

« Alors que le régime de Kiev cherche désespérément comment détourner l’attention de son incapacité à régler les problèmes économiques et sociaux de la population, à régler pacifiquement le conflit du Donbass conformément aux Accords de Minsk, l’Occident lui donne des ‘conseils’ et motive les autorités de Kiev pour recourir aux activités militaires dans le Donbass. Cela vient de Washington, d’autres capitales occidentales, et de la direction de l’Otan. … Nous n’avons pas le droit d’exclure la probabilité que le régime de Kiev se lance dans une aventure militaire. Tout cela crée une menace directe à la sécurité de la Fédération de Russie. » (Sergueï Lavrov, 30/11/21)

Le président russe parle clairement des autres intentions politiques de la grande puissance protectrice de l’Ukraine lorsqu’elle renforce et encourage la raison d’État antirusse, portée au pouvoir par l’Occident, et qu’elle lui fournit les moyens nécessaires à cet effet :

« Supposons que l’Ukraine soit membre de l’OTAN. Elle est bourrée d’armes. Avec des armes offensives modernes qui seront déployées sur son territoire, tout comme en Pologne et en Roumanie – qui va l’en empêcher ? Supposons qu’elle commence à mener des opérations en Crimée, sans parler du Donbass... Imaginez que l’Ukraine soit un pays de l’OTAN et qu’elle commence ces opérations militaires. Que devrions-nous faire alors ? Nous battre contre le bloc de l’OTAN ? ... Je continue de penser que les États-Unis ne sont pas tellement préoccupés par la sécurité de l’Ukraine... Leur objectif principal est d’endiguer le développement de la Russie. C’est là que le bât blesse. En ce sens, l’Ukraine n’est qu’un moyen d’atteindre cet objectif. » (Vladimir Poutine, 1/02/22) [ 19 ]

3. La Russie lance un ultimatum à l’Occident

Les dirigeants russes prennent les succès de l’OTAN à l’Est pour ce qu’ils sont : des étapes vers l’établissement de la capacité supérieure à mener une guerre. Ils présentent ce constat en toute formalité diplomatique aux États-Unis et à l’OTAN afin de les interroger sur leur volonté de la mener, cette guerre.

« Il est indispensable d’insister sur des garanties sérieuses et à long terme assurant la sécurité de la Russie dans cette zone [les frontières occidentales de la Russie], car la Russie ne peut pas constamment penser à ce qui pourrait s’y passer demain. » (Vladimir Poutine, 18/11/21)

La Russie insiste sur son droit, elle invoque des promesses qui lui ont été faites, à savoir la formule de « l’indivisibilité de la sécurité » dans les traités de l’OSCE, le fait que « la sécurité d’un pays ne doit pas être renforcée au détriment de la sécurité des autres »,[ 20 ] pour dénoncer à son tour la violation du droit international de la part des pays de l’OTAN.

« A Astana en 2010 et à Istanbul en 1999, tous les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OSCE ont signé un paquet de mesures soulignant l’interconnexion des garanties d’une sécurité indivisible. L’Occident ne reprend qu’un seul slogan de ce volet : chaque pays a le droit de choisir ses alliés et ses alliances militaires. Mais le texte susmentionné accompagne ce droit d’une condition et d’un engagement de chaque pays, approuvés par les Occidentaux : ne pas renforcer sa sécurité au détriment de celle des autres. … J’insiste sur le fait qu’ils ont été signés par les présidents, y compris celui des États-Unis, et fixent que personne ne renforcera sa sécurité au détriment de celle des autres. Les Américains disent que le droit de choisir des alliances est ‘sacro-saint’. Nous disons que oui, à condition que cela n’exacerbe pas la situation sécuritaire d’un autre pays. C’est à cela, chers messieurs, que vous avez souscrit.

Maintenant qu’ils essaient de présenter nos propositions comme un ultimatum, nous le leur rappelons et nous les poussons à être honnêtes quant à leur interprétation de ce que leur président a signé. S’il a signé en partant du principe que la Russie ne serait jamais en mesure de réaliser ce qui a été promis dans ces documents, il faut l’admettre. Ce sera une autre confession. » (Sergueï Lavrov, 28/01/22)

La Russie insiste sur son droit en présentant aux États-Unis et à l’OTAN des traités, rédigés en détail, et exige que les réponses soient accompagnées de justifications écrites : en raison des mauvaises expériences faites avec les promesses occidentales :

« Nos initiatives sont une représentation condensée de 30 ans d’expérience de nos relations avec l’Occident. » (Sergueï Lavrov, 26/01/22)

« Les infrastructures militaires de l’OTAN s’approchent directement de nos frontières. Nous avons été régulièrement trompés, et cela allant des promesses orales à des engagements politiques inscrits dans l’Acte fondateur Russie-OTAN. Cette fois, nous insistons exclusivement sur des garanties juridiquement contraignantes. » (Sergueï Lavrov, 22/12/21)

De même, on demande des réponses écrites concernant la manière dont l’Occident entend respecter la formule de l’indivisibilité de la sécurité :

« Nos collègues des Etats-Unis et de l’Otan, qui ont ‘empoché’ la première partie de ce paquet indivisible (le droit de chacun de choisir ses alliances), tentent de rayer tout le reste, sans lequel la première partie ne fonctionne pas. Nous ne sommes pas liés par cette norme (sur le respect du droit de choisir des alliances) si elle est appliquée ou que l’on tente de l’appliquer en violation flagrante des autres parties de ce paquet indivisible. Cela a été expliqué de manière suffisamment détaillée. Nous attendons les réponses écrites. »  (Sergueï Lavrov, 14/01/22)

Dans le détail, les projets d’accord russes exigent des États-Unis et de l’OTAN la fin de toute nouvelle extension au détriment de la Russie, notamment le renoncement à toute nouvelle saisie de républiques ex-soviétiques et le retrait de leurs infrastructures militaires et leurs troupes sur les frontières de 1997, c’est-à-dire avant le premier élargissement de l’OTAN vers l’Est. La première puissance mondiale doit renoncer à tout armement nucléaire supplémentaire autour de la Fédération de Russie, démanteler les missiles nucléaires à courte et moyenne portée déjà déployés – y compris l’infrastructure nécessaire à l’utilisation de ces armes –, cesser de former du personnel militaire au maniement de ces projectiles dans tous les « pays non nucléaires » et s’abstenir également de déployer sur son propre territoire de nouveaux missiles nucléaires à courte et moyenne portée susceptibles de menacer la Russie. La Russie propose un deal d’égal à égal, s’engageant en contrepartie à ne pas non plus développer de nouvelle menace nucléaire par des missiles à courte et moyenne portée, proposant ainsi un retour de la dissuasion nucléaire au niveau du potentiel des deux parties, les États-Unis et la Fédération de Russie.[ 21 ]

Le projet de traité soumis à l’OTAN exige en outre de renoncer à l’admission de nouveaux membres et de limiter, dans la région baltique et la mer Noire qui sont des zones de crises notoires, les manœuvres permanentes à fort risque d’invasion.

Sous la forme de ce catalogue d’exigences, la partie adverse est placée devant une alternative : les États-Unis acceptent-ils de négocier les lignes rouges tracées par Poutine, de négocier une sorte de délimitation des sphères d’influence en Europe de l’Est, la création d’une zone tampon non-OTAN en Europe centrale et orientale ? Est-ce qu’ils se laissent donc convaincre de reconnaître la menace existentielle que leur stratégie d’encerclement fait peser sur la Russie : à s’engager à retirer cette menace et à coexister pacifiquement avec la grande puissance de l’Est ? Ou veulent-ils insister sur cette politique d’avancer vers l’Est et décider ainsi définitivement que l’Amérique ne peut et ne veut pas vivre avec la puissance russe, de sorte que la question de la guerre et de la paix soit à l’ordre du jour ? Ils devraient alors le faire savoir par écrit et reconnaître ainsi publiquement que leur ordre mondial et les règles qui en découlent ne représentent rien d’autre que la légitimation de leur violence.[ 22 ]

4. L’ultimatum diplomatique est accentué par une menace de guerre

La mise en garde contre la poursuite du non-respect « catégoriquement inadmissible » (Lavrov) des « lignes rouges » de la Russie est une menace de guerre, et elle est également fondée sur la force militaire.

« Personne ne devrait douter de notre détermination à défendre notre sécurité. Toute chose a ses limites. Si nos partenaires continuent à construire des réalités militaro-stratégiques qui menacent l’existence de notre pays, nous serons contraints de créer des points faibles similaires pour eux. Nous sommes arrivés au point où il n’est plus possible pour nous de faire marche arrière. La reconnaissance militaire de l’Ukraine par les pays membres de l’OTAN constitue une menace existentielle pour la Russie. » (Anatoli Antonov, ambassadeur de Russie aux États-Unis. Foreign Policy, 30/12/21)

C’est pour cette raison que les autorités russes ont organisé un déploiement de troupes à la frontière de l’Ukraine après les vociférations guerrières ukrainiennes de l’hiver 2021 et ont complété cette démarche militaire par une menace explicite de destruction de l’État ukrainien en cas d’attaque contre le Donbass.

« Nos récents avertissements ont eu un certain effet : de toute façon des tensions y sont déjà apparues... Il est important qu’ils restent dans cet état le plus longtemps possible, afin qu’ils n’aient pas l’idée d’orchestrer un quelconque conflit à nos frontières occidentales, ce dont nous n’avons pas besoin, nous n’avons pas besoin d’un nouveau conflit. » (Vladimir Poutine, 18/11/21)

Dans le traité soumis aux États-Unis, la partie russe rappelle aussitôt à son ennemi à qui il a affaire – « réaffirmant qu’une guerre nucléaire ne peut pas être gagnée et ne doit jamais être menée, et reconnaissant que tous les efforts doivent être faits pour prévenir le risque d’éclatement d’une telle guerre entre des États disposant d’armes nucléaires. »

Pour que personne à Washington ne se méprenne sur la gravité de la situation, c’est-à-dire sur la détermination du Kremlin à y faire face militairement, on rafraîchit le souvenir de la crise de Cuba. On démontre quelques moyens militaires de riposte [ 23 ] et on en évoque l’utilisation d’autres. Et puis Poutine ordonne en plus un exercice de la force de dissuasion stratégique, comprenant des essais de missiles balistiques et de missiles de croisière – pour souligner tout ce dont la Russie dispose en cas de doute.

Pour sa part, la Russie menace de se rendre imprévisible pour son adversaire afin de l’impressionner et de le dissuader. L’offensive diplomatique russe vise à contraindre les États-Unis et l’OTAN à choisir entre le respect et le mépris des besoins de la Russie en matière de sécurité. Parallèlement à cette offensive, les dirigeants russes renforcent leurs contingents militaires déployés aux frontières de l’Ukraine jusqu’à atteindre un effectif mobilisable à tout moment et au pied levé sur divers fronts : toujours en déclarant qu’une invasion n’est pas envisagée – à condition que les États-Unis et l’OTAN acceptent de négocier les garanties de sécurité exigées par la Russie. Les États-Unis et l’OTAN doivent comprendre : s’ils refusent la demande de reconnaître formellement les intérêts de la Russie en matière de sécurité, ils auront à faire face à une Russie qui, dans la poursuite de ses intérêts de sécurité, ne sera plus prévisible pour la puissance mondiale américaine et son alliance de guerre.

II. La réponse des États-Unis

1. La demande de reconnaissance des intérêts russes en matière de sécurité : rejetée !

Selon l’administration américaine, les exigences du Kremlin sont définitivement ‘irréalisables’, l’élargissement de l’OTAN vers l’Est est et reste un acquis irréversible. Une reconnaissance des intérêts de la Russie en matière de sécurité est catégoriquement exclue pour les Etats-Unis ; cela reviendrait en effet à annuler tous les progrès stratégiques des dernières décennies qui ont si bien réussi à faire pression sur son puissant rival. Face à la dureté de la menace russe, la première puissance mondiale refuse tout simplement de modifier son programme visant à réduire la Russie à une puissance régionale et à la contraindre à la soumission.

« Parmi les exigences [de Moscou] figurent la fin de l’élargissement de l’OTAN vers l’Est et de la coopération avec les anciennes républiques soviétiques qui ne sont pas membres de l’alliance militaire occidentale – notamment avec l’Ukraine. La Russie demande également des restrictions en matière de déploiement de missiles et d’exercices militaires en Europe. Après les entretiens avec le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergei Ryabkov, Sherman a déclaré qu’elle avait clairement indiqué que les deux premières exigences – maintenir l’Ukraine hors de l’OTAN pour toujours et empêcher la coopération militaire avec Kiev – n’étaient pas envisageables. ‘Nous ne laisserons personne réduire à néant la politique de la porte ouverte de l’OTAN, qui a toujours été un élément central de l’alliance. Nous ne renoncerons pas à la coopération bilatérale avec les États souverains qui souhaitent coopérer avec les États-Unis.’ » (Secrétaire d’État adjointe américaine Wendy Sherman, rfe/rl, 11/01/22)

L’alliance de guerre américaine : rien d’autre qu’une « porte ouverte ». La vice-secrétaire d’État ne veut rien savoir d’un objectif antirusse qui justifierait et guiderait l’alliance et sa politique. On présente carrément à la Russie le démenti que l’avancée de l’OTAN ne constituerait en aucun cas une menace pour la Russie. Et au lieu de la situation stratégique objective créée par l’OTAN, on affirme ses intentions, évidemment bien intentionnées. L’OTAN doit être comprise comme une grande association d’aide aux États souverains cherchant la protection – auprès de qui et contre qui, cela s’entend. L’OTAN est pleine de compréhension envers les craintes des Baltes et d’autres nations face à leur grand voisin. Celui-ci ne doit pas s’étonner que le droit à l’autodétermination des peuples, librement exercé – « le droit pour chaque pays de faire, de manière indépendante, ses propres choix en matière de politique de sécurité » (Stoltenberg et al. à chaque occasion) – conduise en peu de temps à une extension de la plus grande alliance guerrière de tous les temps, rassemblant ainsi 30 nations. Pour contrer la demande russe de revenir sur l’élargissement de l’OTAN vers l’Est, il suffit de désigner d’une façon stéréotypée les demandeurs d’admission à l’Alliance comme les véritables décideurs de cette honorable association – même si l’OTAN se réserve bien entendu le droit de ne pas exaucer jusqu’à nouvel ordre le souhait de certains peuples d’exercer leur droit souverain à l’autodétermination d’y adhérer.[ 24 ]

C’est toujours l’alliance de guerre qui est l’acteur compétent pour décider de l’adhésion. Elle instrumentalise les ambitions nationales des candidats pour servir ses intérêts stratégiques et s’étend ainsi vers l’Est. « La Russie n’a pas de droit de veto » (à retrouver à toute occasion dans les prises de paroles de Stoltenberg, Blinken et autres) – les ‘justifications’ s’arrêtent là. En reprochant à la Russie de vouloir « interdire » quelque chose à l’Occident et de s’arroger un droit qui ne lui revient pas, et qui n’est qu’une présomption juridique imaginaire, l’OTAN balaie de manière apodictique l’intérêt de la Russie à se défendre contre la menace existentielle qu’elle fait peser sur la puissance russe en s’emparant de son glacis.

Les principales exigences russes sont rejetées une fois pour toutes. Cela, Moscou doit l’accepter.

2. Les Etats-Unis s’arrogent le droit de définir la situation

Les Etats-Unis franchissent une étape supplémentaire dans leur offensive en définissant la situation politique mondiale : la menace russe de ne pas accepter l’aménagement de l’Ukraine comme partie intégrante du front de l’Otan, est inscrite à l’ordre du jour de la politique mondiale comme le seul sujet que l’Amérique entende traiter dans ses relations avec la Russie, et ce de telle sorte qu’il ne s’agirait pas ici d’un conflit entre la Russie et l’OTAN, mais exclusivement d’une attaque imminente de la Russie contre l’Ukraine.

A cet égard l’administration américaine lance des avertissements quotidiens détaillés et bien illustrés, jusqu’à ce que Blinken présente finalement à l’ONU le plan de bataille russe complet :

« Premièrement, la Russie prévoit de créer un prétexte pour son attaque. Il pourrait s’agir d’un événement violent que la Russie mettrait sur le dos de l’Ukraine, ou d’une accusation monstrueuse que la Russie porterait contre le gouvernement ukrainien. Nous ne savons pas exactement sous quelle forme cela se produira. Il pourrait s’agir d’un soi-disant attentat ‘terroriste’ à la bombe inventé à l’intérieur de la Russie, de la découverte inventée de fosses communes, d’une attaque de drones mise en scène contre des civils ou d’une attaque simulée – ou même réelle – à l’arme chimique. Ensuite, des chars et des soldats russes avanceront vers des cibles importantes, déjà définies dans des plans détaillés. Nous pensons que ces objectifs incluent la capitale ukrainienne, Kiev, une ville de 2,8 millions d’habitants. » (Ministre des Affaires étrangères Antony Blinken, 17/02/22)

Il est donc tout d’abord annoncé que l’on est parfaitement au courant des projets russes. Une certitude qui n’est certainement pas due aux ‘informations déclassifiées’ des formidables services de renseignement américains. On est plutôt si bien informé car, en rejetant la revendication de la Russie, on la place devant l’alternative soit de se résigner dans une affaire qu’elle déclare être existentielle pour la nation, soit de mettre sa menace à exécution :

« Tenez compte que même si la Russie a rejeté à plusieurs reprises nos avertissements et nos alarmes comme des mélodrames et des absurdités, elle a néanmoins rassemblé en permanence plus de 150 000 soldats aux frontières de l’Ukraine et a les capacités de mener une attaque militaire massive. » (Ibid.)

Deuxièmement, Blinken fait donc savoir que l’on est parvenu à déchiffrer la Russie jusqu’au moindre détail, qu’on ne sera donc surpris en aucun point par l’invasion russe, qu’on peut déjà l’anticiper dans toutes ses particularités, y compris la date et les crimes de guerre russes prévisibles.[ 25 ] Et troisièmement, on laisse entendre que l’administration américaine n’est pas du tout impressionnée, qu’elle maîtrise donc la situation parce qu’elle s’y est préparée depuis longtemps et de manière approfondie. Biden :

« Nous nous sommes préparés de manière complète et minutieuse. Nous avons passé des mois à construire une coalition d’autres nations éprises de liberté, de l’Europe et de l’Amérique à l’Asie et à l’Afrique, pour faire face à Poutine. J’ai passé d’innombrables heures à unir nos alliés européens. Nous avons informé le monde à l’avance de ce que nous savions des plans de Poutine et de la précision avec laquelle il tenterait de justifier faussement son agression. Nous avons contré les mensonges de la Russie par la vérité. » (Joe Biden, 1/03/22)

Le triomphalisme avec lequel Blinken et Biden annoncent qu’ils ont la ‘vérité’ de leur côté : et ce à tel point que le secrétaire d’État se plaît à proclamer publiquement d’être positivement surpris si sa prédiction s’avérait fausse – « Si la Russie n’envahit pas l’Ukraine, nous serons soulagés que la Russie ait changé de cap et prouvé que nos prédictions étaient fausses » (Antony Blinken, 17/02/22) – témoigne du point de vue d’une supériorité sans limites avec lequel les dirigeants de la puissance mondiale américaine abordent la situation créée par la Russie : une situation que les États-Unis ne se sont pas seulement contentés d’observer, mais qu’ils ont provoquée avec leur clairvoyance stratégique.

Ce sont précisément eux qui ne laissent à la Russie que le choix soit de céder et d’accepter que l’Ukraine se transforme en un atout stratégiquement important de l’OTAN pour la guerre ou d’empêcher militairement cette transition, c’est à dire soit de capituler ou d’entrer dans la confrontation pour laquelle l’Ukraine a été préparée. Et ils expriment leur ferme volonté de ne pas se laisser impressionner par les contre-menaces russes : ils prévoient que la Russie va attaquer l’Ukraine : y sont préparés, prêts à toute escalade et sûrs d’avoir tous les moyens en main pour affirmer leur propre supériorité dans cette escalade.

3. La relance de l’OTAN comme bras armé de la puissance mondiale américaine

Sur le plan pratique, Washington répond à la revendication russe de garanties de sécurité, basée sur le déploiement de troupes russes à la frontière ukrainienne, par un réarmement massif et une mobilisation des forces militaires. Les Etats-Unis mettent en œuvre la restauration de l’OTAN, le président Biden revient sur la ligne de son prédécesseur Trump. Celui-ci, avec sa politique de « America First », avait déclaré l’OTAN « obsolète » et avait compris la prise en considération de ses alliés comme une charge inutile transformant les États-Unis seulement en serviteur d’intérêts étrangers et les impliquant ainsi dans des agissements non profitables pour eux. Biden fait stopper à ses alliés leurs initiatives individualistes qui étaient arrivées tout de même jusqu’au point d’opposer un refus à l’OTAN – voir le diagnostic établi par Macron de l’état de ‘mort cérébrale’ de celle-là. Le président américain les oblige à la fidélité à l’alliance : en faisant avancer la confrontation avec la Russie il crée une situation pratique qui exige des Européens de l’Ouest une prise de position sans équivoque.[ 26 ] Les Etats-Unis remettent ainsi d’aplomb en très peu de temps une puissante coalition guerrière de 30 États prêts à apporter leur contribution dans le conflit avec la Russie.

a) Les contributions militaires,

demandées à l’Europe et fournies par celle-ci, les Etats-Unis les intègrent dans une stratégie de dissuasion à trois niveaux. Premièrement :

Rendre l’Ukraine, avec beaucoup plus d’argent et d’armement, ‘indigeste’ pour la Russie

Il s’agit ainsi de forcer la Russie à reconnaître cette nouvelle situation stratégique.

« Et vous savez, je lui ai dit [à Poutine] que nous renforcerions nos alliés de l’OTAN sur le flanc est – s’il devait effectivement envahir. Nous allons – j’ai déjà livré pour plus de 600 millions de dollars d’équipements sophistiqués aux Ukrainiens, des équipements de défense. Le coût d’une invasion de l’Ukraine, en termes de pertes humaines, les Russes pourront le surmonter avec le temps, mais il sera lourd, il sera réel et il aura des conséquences. A cela s’ajoute le fait – et vous le savez bien – que Poutine a le choix : soit la désescalade et la diplomatie, soit la confrontation et les conséquences. » (Joe Biden, 19/01/22)

Le cœur de la stratégie américaine consiste à rendre impossible l’affirmation, considérée indispensable par le Kremlin, des intérêts de sécurité russes et à le forcer ainsi à accepter l’occupation de son principal avant-poste stratégique par ses ennemis. Les stratèges américains préparent un scénario de guerre dans lequel la Russie est menacée d’une guerre d’usure durable en Ukraine en cas qu’elle protège militairement ses intérêts. C’est la substance du discours sur le coût élevé d’une invasion russe. C’est à l’Ukraine que revient l’honneur de pouvoir mener une guerre contre un adversaire massivement supérieur ; une guerre dans laquelle les planificateurs de guerre américains intègrent sobrement dans leurs calculs la destruction de l’armée ukrainienne ainsi que la destruction du pays et de ses habitants parce que – stratégiquement parlant – cela en vaut la peine : la Russie doit s’user à se battre dans son grand pays voisin et s’y affaiblir de manière décisive.[ 27 ]

C’est dans ce but que les Etats-Unis et l’OTAN musclent leur partenaire sur le plan militaire : ils mettent l’armée ukrainienne en mesure d’infliger de lourdes pertes au Kremlin avec des moyens militaires relativement modestes, donc au prix de sacrifices ukrainiens massifs.

Parmi les moyens que reçoit Kiev pour défendre la patrie, on trouve en premier lieu des missiles lancés épaule et de l’artillerie à courte portée pour combattre une invasion russe avec des véhicules blindés, des hélicoptères de combat ainsi que des avions de combat et de transport volant à basse altitude ; en outre, les spécialistes ne le souligneront jamais assez, des armes de poing et beaucoup de munitions pour des actions retardatrices dans une sorte de guerre de partisans. La Grande-Bretagne apporte son aide en fournissant des armes qui ne peuvent pas du tout être considérées comme une menace pour la Russie parce qu’elles ne sont pas de nature stratégique, ainsi qu’une armée d’instructeurs militaires auxquels les soldats ukrainiens doivent de nouvelles compétences pour faire leurs preuves dans les combats urbains acharnés.[ 28 ]

Et comme si cette clarification avait été nécessaire, les planificateurs de guerre du Pentagone ajoutent l’avertissement aux Russes qu’ils ne devraient guère se réjouir d’une victoire sur leur voisin ; car dans ce cas, ils veillent à ce que leurs Ukrainiennes et Ukrainiens, certes battus, mais attachés à leur patrie, préparent un deuxième Afghanistan à l’occupant.[ 29 ]

*

Au cas où la Russie se décide malgré tout à l’escalade du conflit en Ukraine pour se libérer du scénario de guerre intenable qui lui a été préparé, elle doit tenir compte de la puissance concertée des pays de l’OTAN, rapprochées de ses frontières qui continuent à s’armer chaque jour, ainsi que de leurs complices neutres.

Les alliés de l’OTAN ainsi que les États ‘neutres’ autour de la Russie renforcent la menace militaire

En plus de l’encerclement déjà réalisé, l’alliance militaire renforce justement ces mesures militaires dont la Russie exige catégoriquement le retrait et étend sa présence aux frontières russes à une vitesse record. Que tout cela soit encore compatible ou pas avec le vieil acte OTAN-Russie des années ’90 n’intéresse personne.[ 30 ] Pour la propagande publique, les actions se mesurent désormais à l’aune du risque d’invasion russe : et ce danger-ci justifie tout armement. En effet ce dernier se mesure à l’objectif de placer la Russie, avec des moyens de guerre toujours plus importants, devant une situation totalement incalculable et incontrôlable ; de la confronter à un potentiel militaire installé autour de ses frontières – principalement à l’ouest et au sud – suffisant pour infliger à la Russie des destructions et des défaites militaires en cas d’utilisation de ses ressources de guerre.

– Pour ce faire, il faut de nouveaux moyens militaires pour contrôler encore mieux l’espace aérien du Grand Nord, les accès à la mer Baltique et à l’Atlantique [ 31 ] : pour se rapprocher encore plus des ports d’attache de la marine russe afin de pouvoir l’y enfermer et notamment combattre plus efficacement les sous-marins nucléaires stratégiques qui y sont stationnés,[ 32 ] etc... La perspective d’empêcher la Russie de défendre son enclave de Kaliningrad en mer Baltique fait partie de ce scénario.

– En outre, il faut encore plus de la soi-disant Enhanced Forward Presence (présence avancée renforcée dans le cadre du plan d’action « réactivité ») de l’OTAN à la frontière occidentale de la Russie ; encore quelques milliers de soldats de plus, qui seront encore plus rapidement opérationnels, encore plus mobiles, encore plus imprévisibles pour l’ennemi :

« La présence de l’OTAN dans la partie orientale de l’Alliance est continuellement renforcée, a déclaré Jens Stoltenberg en Roumanie. ‘Nous avons également augmenté les capacités des forces de réaction de l’OTAN. Ces troupes se trouvent dans leurs bases d’origine, mais peuvent, en cas de besoin, être rapidement déployées partout sur le territoire de l’Alliance.’ Mais l’Alliance envisage également une présence à plus long terme dans la région de la mer Noire. » (DW (Deutsche Welle, chaîne de radio publique allemande), 12/02/22)

– Pour « dissuader la Russie » sur le « flanc sud-est », l’OTAN veut également « installer en Roumanie des troupes de combat multinationales. Jusqu’à présent, les soi-disant ‘Battlegroups’ n’existent que dans les États baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie) et en Pologne. Outre la Roumanie, la Slovaquie et la Bulgarie doivent également mettre à disposition des sites pour des unités multinationales de l’OTAN. » (DW, 12/02/22)

– Somme toute, l’OTAN établit un nouveau niveau d’interopérabilité et de mise en commun des compétences au sein de l’alliance antirusse :

« Les soldats britanniques, français et estoniens travailleront ensemble dans une série de scénarios incluant des chars, de l’infanterie, de planification, d’ingénierie et d’artillerie. Les membres du Battlegroup dirigé par le Royaume-Uni seront rejoints par des soldats des régiments parachutistes et du régiment de Yorkshire de l’armée britannique, qui apprendront à s’entraîner avec des chars dans un environnement hivernal... Des avions de combat ‘F-16’ de la Force aérienne belge, actuellement stationnés sur la base aérienne d’Ämari en Estonie dans le cadre de la mission de police aérienne de l’OTAN, assureront le soutien aérien. » (NATO eFP Battlegroup Estonia and Estonian Army hone interoperability during largest winter exercise, mncne.nato.int, 2/02/22)

Il sera donc également fait en sorte que « tous les pays de l’OTAN dirigent leurs capacités de surveillance vers la région de crise par le biais de satellites et d’autres capteurs et partagent immédiatement les renseignements au sein de l’alliance. » (général américain Wolters, Spiegel Online, 18/12/21)

Le déploiement de l’armée américaine

L’armée américaine n’est pas présente en Ukraine avec ses propres troupes, et cela va rester ainsi jusqu’à nouvel ordre. La première puissance mondiale américaine dirige le grand front antirusse from behind, utilise le potentiel de ses alliés qu’elle a réussi à rendre interopérables, s’engage avec ses propres forces dans différentes missions en fonction de ses priorités, principalement dans le domaine de la reconnaissance aérienne, dont on a absolument besoin pour une évaluation à la hauteur d’une situation de guerre.[ 33 ]

Elle déplace vers l’Est quelques unités déjà stationnés en Europe et fait venir des États-Unis quelques milliers d’hommes, parmi eux des troupes d’élite parachutistes, pour parer à toute éventualité. Washington confronte ainsi le Kremlin à une situation dans laquelle toute opération de l’armée russe, depuis des pays baltes jusqu’au « flanc sud-est de l’OTAN », peuvent être contrée au pied levé par les forces combinées de l’Alliance – y compris l’option d’un renforcement rapide et massif de ces forces de fil de détente (dont l’attaque par la Russie instaurerait une obligation d’action selon l’article 5 du traité de l’Atlantique nord, ndlr). La logistique nécessaire à cet effet a été mise en place et testée dans le cadre de manœuvres.

En même temps, l’administration américaine fait voir à la Russie à quoi ressemble la dernière étape d’une éventuelle escalade de son conflit armé avec l’OTAN. La superpuissance agissant en arrière-plan se présente à son ennemi – non pas encore avec de nouveaux missiles nucléaires en Europe,[ 34 ] mais – avec un groupe aéronaval :

« Face à la situation tendue du conflit ukrainien, les États-Unis ont décidé de garder un porte-avions en Méditerranée... ‘Ce changement de calendrier reflète la nécessité d’une présence permanente en Europe et est nécessaire pour rassurer nos alliés et partenaires de notre engagement en matière de défense collective.’ » (Austin, Secrétaire américain à la Défense, DW, 29/12/21)

La prolongation de la mission de cette unité navale sert à préciser que la première puissance mondiale elle-même est et reste présente avec des forces considérables sur ce théâtre d’opérations élargi. En cas de défense armée de ses lignes rouge, la Russie doit donc s’attendre à recevoir la « réponse robuste » de la part des Etats-Unis, c’est-à-dire à se retrouver dans la grande guerre avec la première puissance mondiale.

*

Le rapprochement militaire entre les États-Unis et les partenaires européens de l’OTAN a donc réussi. La Russie fait face à l’appareil militaire combiné et à la volonté de guerre (presque) unanime de 30 nations, très bien armées et prêtes à faire la guerre.

Personne ne veut d’une guerre, bien sûr. Surtout pas le gouvernement américain. Au cas où la Russie envisagerait d’assurer par la force ses intérêts vitaux ignorés, on lui annonce pour l’instant un « prix » inacceptablement élevé – mais l’administration américaine ne menace pas de faire la guerre. Plus précisément : pas de guerre « unilatérale » menée par elle-même. Biden ne veut pas d’une telle guerre, « du moins pour le moment » :

« Dans le même temps, Joe Biden a précisé mercredi qu’aucune troupe américaine ne serait envoyée en Ukraine pour faire face aux Russes et a annoncé de futures discussions entre les Etats-Unis, leurs principaux alliés de l’OTAN et la Russie afin de dissiper certaines des inquiétudes de Moscou en matière de sécurité... Le président Joe Biden a déclaré mercredi que le soutien des Etats-Unis à l’Ukraine contre l’augmentation inquiétante des forces armées russes n’inclurait pas de troupes américaines supplémentaires, du moins pour le moment. ‘Ce n’est pas à l’ordre du jour.’ » (defenseone, 8/12/21)

On peut donc être rassuré : L’Ukraine ne vaut – très probablement – pas une troisième guerre mondiale pour les États-Unis. Ils ne veulent pas s’occuper eux-mêmes de combattre la Russie sur le théâtre de la guerre à venir, « au moins pour le moment ». La première puissance mondiale peut s’offrir le luxe de laisser d’autres se battre pour sa cause et de décider de manière souveraine des moyens par lesquels elle gère cet affrontement : où et comment elle entend escalader le conflit. Elle dispose de bien d’autres moyens pour infliger des dommages dévastateurs à la Russie.

b) Les sanctions

Le partisan de la paix dans la Maison Blanche sait qu’en plus de ses forces armées, les Etats-Unis disposent d’une autre arme puissante, à savoir leur impérialisme du Dollar :

« J’ai été très, très direct et franc avec le président Poutine, à la fois au téléphone et au contact personnel : nous allons imposer les sanctions les plus sévères jamais imposées. Et je pense que vous verrez – tout le monde parle par exemple du fait que la Russie a le contrôle de l’approvisionnement énergétique que l’Europe absorbe. Eh bien, vous savez quoi ? L’argent qu’ils en tirent représente environ 45% de l’économie. Je ne vois pas cela comme une voie à sens unique ... alors c’est comme ce que ma mère avait l’habitude de dire : ‘Tu te mords le nez pour protéger ton visage.’ Nous sommes dans une situation où je pense qu’il y aura de graves conséquences économiques. Par exemple, tout ce qui est lié aux valeurs en Dollar – s’ils envahissent, ils paieront – leurs banques ne seront pas en mesure de faire des transactions en dollars. Donc il va se passer beaucoup de choses. » (Joe Biden, 19/01/22)

Dans l’optique américaine, la Russie représente un défi carrément absurde : un État avec une base économique pitoyable, avec un PIB représentant à peine 7,2% de celui des États-Unis, et qui est presque entièrement dépendant de l’exportation de combustibles : mais un État doté de moyens de guerre qui posent un véritable problème et qui – à bien y regarder – ne lui reviennent pas de droit. En retournant comme arme contre lui sa faiblesse économique et sa dépendance, on veut démontrer à cet État qu’il ne peut pas au fond se permettre ses moyens de guerre. Biden met à l’ordre du jour la destruction concertée de l’économie russe, avec un grand nombre de mesures s’ajoutant presque quotidiennement :

– Dans le cas de SWIFT, rien de moins est prévue dès le début que l’exclusion de la Russie du système international des transactions de paiements, c’est-à-dire la paralysie du commerce international dont dépend cette nation depuis son renoncement à l’économie socialiste planifiée et la disparition de son bloc économique.[ 35 ] Il n’est donc pas étonnant que le monde des affaires européen concerné et ses interprètes dans la presse de qualité aient été alarmés par les conséquences ruineuses de cette sanction : l’exclusion de la Russie serait « la bombe atomique pour les marchés de capitaux et aussi pour les échanges de marchandises et de services » (Friedrich Merz, chef du CDU dans le FAZ, 18/01/22).

– Et en ce qui concerne Nord Stream 2, le président américain annonce en présence du chancelier allemand au regard stoïque que c’est lui qui étranglera le projet au cas où : « We will bring an end to it... We will, I promise you, we’ll be able to do it. » Pour Biden, la perspective de ruiner cet investissement russe d’un montant de plusieurs milliards et de créer de futures pertes commerciales encore plus importantes, vaut bien une petite relativisation de la souveraineté de son cher partenaire allemand ; de sorte que le gentil Monsieur Scholz ne pourra pas éviter de sacrifier une grande partie de l’impérialisme énergétique allemand pour la bonne cause antirusse.[ 36 ]

– De plus, l’industrie russe doit être privée des approvisionnements vitaux, comme l’accès aux semi-conducteurs et aux logiciels de pointe ; les États-Unis veulent priver la Russie de la capacité de moderniser son armée et paralyser l’ensemble de son programme aérospatial.[ 37 ]

– A cela s’ajoute l’attaque directe contre les biens à l’étranger et contre la liberté de mouvement de l’élite politique, de Lavrov, de Poutine et de son cercle intérieur.[ 38 ]

Les sanctions, calculées pour infliger à long terme « autant de dommages que possible » à la Russie,[ 39 ] vont de pair avec des contraintes envers les partenaires européens.[ 40 ] Les Etats-Unis prennent sobrement en compte le fait qu’il leur en résulte des dégâts qui, en fonction de l’ampleur des effets pour les pays européens concernés, ne sont pas négligeables. Après tout, l’enjeu est de taille : « Il s’agit de défendre ce en quoi nous croyons. » (Biden)

Récemment, Biden s’était encore tout exprès adressé au peuple russe d’une manière amicale, lui assurant que l’Amérique ne lui souhaitait que le meilleur.[ 41 ] A tel degré qu’il actionne, sous forme de sanctions économiques, de puissants leviers pour l’appauvrir. Ce faisant, on veut seulement l’aider à comprendre que le régime sous lequel il vit ne peut pas résister à la pression américaine et qu’il va sombrer : le peuple russe devrait donc définitivement se trouver un autre leadership.

Ces clarifications sont en outre soulignées par l’annonce d’isoler la Russie par tous les moyens diplomatiques dans presque toutes les sphères d’activités interétatiques, de la mettre au ban sur le plan moral : la Russie doit impérativement devenir l’État paria qu’elle est déjà en principe selon la définition américaine.

Et dans le cas que l’on a anticipé à Washington, à savoir que la Russie se défendra contre les sanctions – mot-clé : cyberattaques – on prend donc déjà ses précautions.[ 42 ]

*

En réponse à son déploiement militaire envers l’Ukraine pour exercer un chantage, la Russie se voit confrontée à une contre-attaque destinée à lui démontrer l’inefficacité de ses instruments de puissance militaire, c’est-à-dire la forcer à reconnaître que la capitulation est sa seule option réaliste. Pour cela, les États-Unis n’ont même pas besoin d’affronter le Kremlin avec des moyens militaires. La liberté de la première puissance mondiale inclut la capacité de puiser dans tout un arsenal de moyens civils au potentiel suffisamment destructeur pour l’ennemi.

C’est sur cette base que les États-Unis proposent généreusement de négocier.

4. « Entretenir le dialogue » avec la Russie – bien sûr !

Les avertissements du gouvernement russe selon lesquels il ne participera pas à des discussions dans lesquelles il n’y aurait pas la volonté sérieuse de traiter ses exigences restent infructueux – et sont inversement exacerbés par les Etats-Unis : en soulignant avec insistance que la soi-disant « non-stop-diplomacy » reste malgré tout prioritaire à Washington, la Russie se voit proposer une diplomatie excluant définitivement la reconnaissance des intérêts russes. Au lieu de cela, on offre des négociations sur des sujets secondaires, accessoires, ou bien sur des sujets pour lesquels l’administration américaine pourrait éventuellement s’intéresser à trouver une entente.

À Washington, on pourrait par exemple imaginer un accord informel sur la non-admission de l’Ukraine dans l’OTAN au cours des prochaines années, et certaines concessions dans la mise en œuvre du traité de Minsk sont également évoquées. Des concessions sans inconvénients trop graves pour les États-Unis, en comparaison de l’Ukraine car elles sont en effet entièrement à la charge de celle-ci.[ 43 ]

Et on peut aussi imaginer un peu plus de transparence dans les manœuvres, peut-être même des accords sur le non-déploiement de missiles à courte et moyenne portée – amener les Russes à se mettre d’accord sur des réductions dans cette catégorie d’armes, ça vaut toujours la peine d’essayer.

La Russie est ainsi placée devant cette alternative empoisonnée : ou bien elle se met publiquement en tort en refusant cette ‘offre’ et assume la responsabilité de la ‘fin de la diplomatie’ [ 44 ] : ou bien elle accepte cette ‘offre’ – et renonce à la revendication substantielle de respect de son statut de grande puissance.

III. La lutte pour le pouvoir s’intensifie

1) Les dirigeants russes ne mettent pas beaucoup de temps pour constater l’échec de leur tentative d’arracher aux États-Unis, par un acte diplomatique ultime – par la menace de guerre – la reconnaissance contractuelle de leur existence en tant que grande puissance nucléaire. Les dirigeants russes font face à l’alternative de s’accommoder de la mise en place d’une menace existentielle et de se soumettre à la puissance mondiale, ou de se procurer par la force le respect refusé. La responsabilité pour leur grande nation leur impose de passer de la menace à la guerre ouverte, d’envahir l’Ukraine pour imposer leurs « lignes rouges » par la force et de contraindre l’autre partie à reconnaître leurs intérêts stratégiques.

Le gouvernement russe prend cette décision en sachant quel scénario accablant a été monté contre lui et donc quelles sont les conséquences qui l’attendent. Dans la déclaration sur sa décision d’occuper l’État voisin, Poutine fait explicitement référence à la menace de sanctions dévastatrices pour la Russie ; il explique à ses citoyens que la période à venir va être dure pour eux comme pour l’ensemble du pays. Et dans cette même déclaration, il indique que le temps presse, car la Russie doit s’attendre à ce que, sur le plan stratégique, les moyens de puissance dont elle dispose encore aujourd’hui risquent d’être de plus en plus dévalorisés dans un avenir proche, en raison du programme de réarmement américain. En soulignant ces deux aspects, il précise que l’enjeu pour la Russie, c’est bien plus que l’Ukraine, à savoir son existence en tant que grande puissance respectée. A cela, il n’y a pas d’alternative pour la Russie.

Bien que, en annonçant un objectif limité de guerre en Ukraine, à savoir sa ‘démilitarisation’ et sa ‘neutralisation’, Poutine lie même la décision d’invasion à la question de savoir si l’autre côté ne pourrait pas être prête à faire des concessions. Il assume également avec l’entrée en campagne les conséquences imprévisibles, non maîtrisables et destructrices qu’on lui prédit. Car ce qu’il veut réaliser à l’occasion de ce conflit, à savoir un tournant dans les relations avec la puissance mondiale américaine et avec l’OTAN en s’imposant militairement dans l’Ukraine pour les forcer à renoncer à l’ambition de démanteler la puissance russe, n’est pas réalisable dans ce cadre limité même s’il parvenait à atteindre cet objectif limité en Ukraine.

2) Le gouvernement américain répond à cette transition militante à sa manière en tant que puissance mondiale supérieure. Non seulement pas du tout impressionné, il est à cent lieues de se laisser arracher par la guerre le moindre arrangement qui tienne compte des intérêts russes. Au contraire, le gouvernement américain est préparé dans les moindres détails à transformer l’escalade russe en une catastrophe d’une ampleur inédite pour le Kremlin.

Biden se vante littéralement de connaître exactement les calculs de l’autre partie depuis des mois : ce qui n’est pas étonnant puisque c’est lui qui a poussé la Russie dans son dilemme. Il se vante d’avoir préparé toute une série de nouvelles mesures de riposte dévastatrices contre l’intervention du Kremlin qu’il a déjà anticipée et de pouvoir les exécuter selon sa décision souveraine. Premièrement, les Etats-Unis et leurs alliés veillent à ce que la campagne devienne le fiasco sanglant que l’on prédisait à l’armée russe en augmentant les livraisons d’armes sur le théâtre d’opérations ukrainien après l’invasion russe – ces livraisons comprennent de plus en plus de matériel « létal », on parle même entre-temps d’avions de combat. Deuxièmement, Biden et son alliance de guerre intensifient la force de frappe militaire contre la Russie, des armes et des troupes sont acheminées sur un large front vers la frontière russe. Troisièmement, des sanctions économiques sont adoptées, ayant en quelques jours des effets ruineux sur l’économie russe : dévaluation du rouble, destruction du capital de grandes entreprises d’État comme Gazprom, empêcher les fonds d’État russes et la banque nationale d’accéder aux milliards d’actifs détenus dans les banques occidentales et les banques centrales, les couper de toute transaction en dollars, c’est-à-dire les exproprier.[ 45 ]

Quatrièmement et afin de mener à bien tout cela, le monde entier est en principe érigé en un front uni de guerre mondiale contre la Russie, lui annonçant une défaite cuisante sur le plan militaire, diplomatique et sur le terrain d’une guerre économique déchaînée.

Pour la première puissance mondiale américaine et ses alliés, il s’agit en effet – aussi fondamentalement que pour la Russie de son affirmation de soi – d’une attaque contre l’ordre mondial, d’une remise en cause de son régime de domination sur le monde, mise en pratique par une puissance qui, par son potentiel militaire, est capable de cette remise en cause et qui représente pour cette raison pour les États-Unis une entrave insupportable qu’il faut absolument éliminer.

3) C’est la substance même de ce qu’elles sont et prétendent être en tant que nation qui est en jeu pour les deux parties : pour l’une, son statut de grande puissance et d’acteur de premier plan dans le monde des États : pour l’autre, sa domination mondiale illimitée. Les points de vue qui s’y affrontent sont inconciliables. Ils ne tolèrent aucune relativisation, car toute relativisation équivaudrait à un abandon de leur point de vue. Pour les deux parties, l’affirmation de leur propre point de vue a donc la qualité d’une question existentielle qui doit être réglée de manière définitive. C’est ce conflit qui définit leur affrontement. Et c’est ainsi qu’ils s’affrontent. Les deux parties passent de la dissuasion à un affrontement dans lequel chacune escalade dans l’utilisation de ses moyens de force pour forcer l’autre à céder. Ils le font en connaissant les moyens de puissance dont dispose la partie adverse et avec la ferme volonté de maintenir et d’exercer la domination de l’escalade dans ce conflit, c’est-à-dire de répondre à toute escalade de la partie adverse par une escalade supplémentaire. A la différence près que ce sont les autorités russes, placées sur la défensive stratégique lors de cette lutte, qui sont passées à l’offensive militaire et se trouvent devant la mauvaise alternative entre ‘retrait ou poursuite de l’escalade’ ; tandis que la partie américaine, supérieure, se réserve toujours la liberté de décider du passage à la confrontation militaire directe selon ses propres calculs. Autrement dit, elle peut donc aussi renoncer à des mesures d’escalade sans aucune perte de pouvoir : ce qui signifie de toute façon seulement de les reporter. Ou bien alors ‘prendre les devants’ sur le plan stratégique...

L’Ukraine est le premier champ de bataille à cet égard.

 

 

 

Traduction de l’article « Russland ringt um seine Behauptung als strategische Macht – Amerika um deren Erledigung » dans GegenStandpunkt 1-22

 

[ 1 ]Après coup et surtout après le déroulement sanglant de la démocratisation de l’Ukraine, certains hommes politiques européens ont regretté l’action de l’UE, la qualifiant d’’erreur’ ; un aveu bon marché, puisque le changement de camp avait déjà eu lieu et que le coup d’État avait été déclaré comme une forme de libre autodétermination de l’Ukraine. Il n’a bien sûr jamais été question de revenir sur cette ‘erreur’.

[ 2 ]A propos de ce sujet, en langue allemande, GegenStandpunkt 1-14 : « EU-Osterweiterung zum Dritten: die ‚östliche Partnerschaft’ mit der Ukraine. Europa geht bis an die Grenzen seiner Methode friedlicher Eroberung und darüber hinaus » [« Troisième acte de l’élargissement de l’UE à l’Est : le ‘partenariat oriental’ avec l’Ukraine. L’Europe va jusqu’à la limite et au-delà de sa méthode de conquête paisible »] et GegenStandpunkt 2-14 : « Ein Bürgerkrieg in der Ukraine und eine neue weltpolitische Konfrontation » [« Une guerre civile en Ukraine et une nouvelle confrontation au niveau de la politique mondiale »].

[ 3 ]Le point de vue russe est cité en détail dans la suite de ce texte. Les opinions publiques européennes, avec leur éthique supérieure dans le domaine de la formation de l’opinion, ne jugent pas nécessaire de faire connaître l’argumentation de l’autre partie et approuvent expressément la suppression des tentatives des médias russes de se faire entendre, comme en témoigne l’empêchement de programmes télévisés de Russia Today en différentes langues européennes. En l’identifiant comme ‘fake news’, ‘désinformation’, c’est à dire la version moderne de la propagande ennemie à éliminer, le sujet est ainsi clos.

    L’affaire pourrait facilement être classée s’il s’agissait seulement de la perception subjective des dirigeants russes. Mais c’est plus grave : ici une puissance militaire mondiale se rend compte de la situation stratégique dans laquelle son ennemi juré l’a mise et lui explique que et pourquoi elle ne la supporte pas. Prendre cela pour une simple chimère est une idiotie partiale de la part de l’opinion publique du monde démocratique. Ignorer cela n’est rien de moins qu’une contre-déclaration de guerre des responsables dans l’Occident.

[ 4 ]Certes, certains déficits de l’armée ukrainienne, déplorés par les observateurs de l’OTAN, persistent ; en raison du manque notoire d’argent de l’État ukrainien, il arrive régulièrement que la solde des soldats et des officiers ne soit pas versée ; la subordination des formations de volontaires à une hiérarchie de commandement stricte n’est pas non plus terminée, loin de là. Mais la ‘westernisation’ de l’armée ukrainienne a fait son effet. Voir l’article de Gegenstandpunkt 2-20, en langue allemande : « Von Russland befreit, bis zum Ruin verwestlicht, von Krisen überrollt » [« Libérée de la Russie, occidentalisée jusqu’à la ruine, submergée par les crises »].

    « Le réarmement de l’Ukraine est principalement mené par les États-Unis, qui y ont consacré un peu plus de 2,5 milliards de dollars depuis 2014 et prévoient encore 300 millions de dollars dans une résolution pour leur prochain budget militaire. Washington a notamment livré au moins 360 missiles antichars ‘Javelin’, 30 véhicules blindés ainsi que 24 drones de reconnaissance du modèle ‘Raven’. C’est ce qui ressort d’un rapport du ‘Bonn International Center for Conflict Studies’ (BICC)… La République tchèque a livré à l’Ukraine 50 véhicules blindés de combat d’infanterie d’occasion et 40 canons automoteurs d’occasion. Selon le BICC, la Pologne lui a fourni 37 véhicules blindés de combat d’infanterie d’occasion et 54 véhicules blindés de transport de troupes d’occasion... De son côté, la Turquie vend à l’Ukraine les drones armés ‘Bayraktar-TB2’, testés avec succès notamment lors de la guerre d’Azerbaïdjan contre l’Arménie. » (junge Welt, 10/12/21)

    « Un autre objectif des forces armées était une participation croissante à des exercices multinationaux afin d’améliorer encore les normes nouvellement introduites et d’acquérir des expériences au sein de l’OTAN... L’armée ukrainienne occupe la 29e place dans le classement international des forces armées des Etats, avec un effectif actif de 250 000 personnes et un effectif de réserve de plus de 900 000 personnes (chiffres ukrainiens). Le budget de la défense représente désormais plus de cinq pour cent du produit intérieur brut. » (Michael Barthou, truppendienst.com, 26/8/18)

[ 5 ]« L’armée de l’air américaine a effectué une première mission de reconnaissance au-dessus de l’Est de l’Ukraine, près de la frontière avec la Russie... L’avion Northrop Grumman/Boeing E-8 Joint STARS (Joint Surveillance Target Attack Radar System) sert à surveiller à distance et à identifier, localiser et classifier des cibles terrestres 24 heures sur 24, quelles que soient les conditions météorologiques, ainsi qu’à coordonner des opérations de combat et à échanger bilatéralement des données en temps réel avec les forces terrestres. » (sna, 29/12/21)

[ 6 ]La partie ukrainienne ne fait donc aucun mystère du fait que ce qui est présenté comme une ‘récupération’ ‘pacificatrice’ des possessions ukrainiennes légitimes est calculé sur un scénario de guerre de l’OTAN avec la Russie : « Ce faisant, selon Jermak, son chef a affirmé à Biden que l’Ukraine n’avait pas l’intention d’attaquer qui que ce soit : ‘Nous voulons seulement ramener la paix dans notre pays, récupérer notre territoire et nos gens’ » (de.rt.com, 10/12/21).

[ 7 ]Voir l’article, en langue allemande, dans GegenStandpunkt 3-21 : « Wie die Ukraine die Szenerie eines drohenden Kriegsausbruchs produziert und die Welt um eine neue Anklage gegen Russland bereichert » [« Comment l’Ukraine produit le scénario d’une menace de guerre et enrichit le monde d’une accusation contre la Russie »].

[ 8 ]« Le gouvernement américain est ouvert à la discussion sur le nombre de ses futurs missiles offensifs déployés en Ukraine, ont fait savoir des collaborateurs de haut rang lors d’une commutation téléphonique avec des journalistes » (Zeit Online, 9/01/22) – un choix d’armement qui était encore fermement mis en question il n’y a pas longtemps.

[ 9 ]« La Grande-Bretagne se distingue particulièrement dans le réarmement de la marine ukrainienne. En juin 2021, les représentants des deux parties ont signé un accord prévoyant une coopération étroite non seulement pour l’acquisition de nouveaux navires de guerre, mais aussi pour la formation de marins ukrainiens et la construction de nouvelles bases navales. Dans ce dernier cas, il s’agit concrètement d’une base navale à Berdjansk, dont les Etats-Unis et l’UE sont également censées soutenir la construction. L’Ukraine doit en plus recevoir deux chasseurs de mines que la marine britannique a mis hors service en août. En outre, la production commune de vedettes et d’une frégate est prévue... Kiev a commandé 20 nouveaux patrouilleurs au chantier naval français Ocea, cinq d’entre eux seront assemblés dans l’usine ukrainienne de Mikulajiw. » (junge Welt, 10/12/21)

[ 10 ]« L’Ukraine autorise ... plus de soldats étrangers sur son territoire cette année. C’est ce qu’a décidé le Parlement mardi dans la capitale Kiev. Selon cette décision, jusqu’à 2000 soldats américains et 2000 autres militaires de pays de l’OTAN pourront séjourner en permanence dans tout le pays en 2021. C’est 1000 de plus que l’année précédente. Du matériel militaire étranger et jusqu’à dix avions seront également admis toute l’année dans l’État frontalier de la Russie. L’objectif est de réaliser des exercices tactiques et d’entraîner les soldats ukrainiens, a fait savoir la Rada. En outre, six manœuvres avec participation étrangère se dérouleront en Ukraine en 2021. » (rnd.de, 26/01/21)

[ 11 ]« La Finlande, qui a une frontière terrestre de 1 340 kilomètres avec la Russie, a réagi au réarmement militaire du Kremlin et au jeu de muscles dans la région en renforçant son infrastructure de défense. En décembre 2021, la Finlande a signé un contrat de 11,2 milliards de dollars avec Lockheed Martin pour l’achat de 64 avions ‘F-35A’ afin de remplacer sa flotte vieillissante de chasseurs Boeing ‘F/A-18C’-Hornets. » (defensenews.com, 6/01/22) « Les relations de défense de plus en plus étroites de la Finlande avec l’OTAN ont été mises en évidence en janvier lorsque des avions américains ont effectué des exercices de ravitaillement en vol au-dessus du nord de la Finlande dans le cadre d’une manœuvre internationale dirigée par l’escadron de Laponie de l’armée de l’air finlandaise. Lors de l’exercice de quatre jours qui s’est déroulé le 27 janvier, des ‘F/A-18’-Hornets finlandais ont été ravitaillés par un ravitailleur en vol, ‘KC-135’ Stratotanker, de l’armée de l’air américaine. » (defensenews.com, 4/02/22)

[ 12 ]« Nicht erst unter Trump, unter Trump aber in neuer Entschiedenheit: Die amerikanische Weltmacht treibt die Entmachtung ihres russischen Rivalen voran » [« Pas seulement depuis Trump, mais sous Trump avec une nouvelle fermeté : la puissance mondiale américaine fait avancer le démantèlement de son rival russe »].  En langue allemande dans GegenStandpunkt 3-19.

[ 13 ]« L’apparition d’armes nucléaires tactiques en Ukraine est une menace stratégique pour nous car la portée peut passer de 110 kilomètres à 300, voire 500 kilomètres – et voilà Moscou à portée de frappes militaires. C’est une menace stratégique pour nous. Et c’est ainsi que nous l’avons compris. Nous devons et allons en tout cas la prendre très au sérieux. » (Vladimir Poutine, 22/02/22)

[ 14 ]« Rüstungsdiplomatie unter Trump und Biden: INF, Open Skies et al. gekündigt, New START verlängert. Fortschritte in der amerikanischen Friedenspolitik gegen den Rivalen in Moskau » [« La diplomatie de l’armement sous Trump et Biden : FNI, Open Skies et al. résiliés, New START prolongé. Les progrès dans la politique de paix américaine contre le rival à Moscou »]. En langue allemande dans GegenStandpunkt 3-21.

[ 15 ]Voir l’article dans GegenStandpunkt 1-07, en langue allemande : « Putin auf der Sicherheitskonferenz: Wir können auch anders » [« Poutine lors de la Conférence sur la sécurité : Nous pouvons aussi faire autrement »].

[ 16 ]« Il s’agit du statut spécial du Donbass, concerté avec les républiques, la confirmation de ce statut par la Constitution ukrainienne qui devrait contenir un élément de la fédéralisation et de la décentralisation, conformément aux accords de Minsk. Il s’agit d’une amnistie inconditionnelle ou des élections organisées en fonction des règles concertées entre Kiev, Donetsk et Lougansk sur la base des principes de l’OSCE. C’est tout. Ensuite, les autorités ukrainiennes pourront reprendre le contrôle de la partie de la frontière avec la Russie qu’elles ne contrôlent pas actuellement. Personne ne peut le nier. Tout cela est clairement stipulé par les accords de Minsk. » (Sergueï Lavrov, 18/11/21)

    Lavrov cite « ... le torpillage progressif des accords de Minsk de la part du régime ukrainien. Ils ne veulent pas mettre en œuvre ces accords, mais les réécrire. C’est pour cela qu’on tente d’organiser des rencontres ministérielles ou au sommet en espérant que si tout le monde se réunit autour d’une table, pour prendre du thé, on tentera de persuader Sergueï Lavrov ou Vladimir Poutine d’accepter des petites corrections, parce que Kiev ne peut en aucune façon mettre en œuvre les accords. » (ibid)

[ 17 ]« Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine ... ‘L’exécution des accords de Minsk signifie la destruction du pays ... Lorsqu’ils ont été signés sous les canons des mitrailleuses russes - et que les Allemands et les Français regardaient - il était déjà clair pour toutes les personnes raisonnables qu’il était impossible de mettre en œuvre ces documents’... Danilov a appelé à négocier un nouveau document viable et réaliste, ajoutant qu’il devrait ‘obliger Poutine à simplement retirer ses troupes et ses chars’. » (USNews, 31/01/22)

[ 18 ]En plus la Russie tente sans cesse d’attirer l’attention des puissances protectrices européennes de l’Ukraine sur la générosité dont elles font preuve à l’égard de la manière dont celle-ci traite les valeurs démocratiques nobles comme, entre autres, la liberté d’expression : « Pour en revenir aux médias, quand trois chaînes de télévision ont été fermées à Kiev, nous nous sommes tournés vers nos collègues français. Ils ont dit qu’ils étaient en faveur de la liberté d’expression, mais que les chaînes de télévision avaient été fermées sur la base de la législation ukrainienne. C’est suffisamment révélateur. Nous voulons que l’UE joue un rôle indépendant. Un autre exemple, toujours en Ukraine. L’UE était garante de l’accord entre Viktor Ianoukovitch et l’opposition en février 2014. Le lendemain matin, l’opposition a ‘craché’ sur cet accord. Bruxelles a gardé le silence, et aujourd’hui certains commencent à parler du coup d’État comme d’un ‘processus démocratique’. » (Sergueï Lavrov, 14/1/22)

[ 19 ]On le voit bien : Il est une mauvaise habitude du bon sens de faire, dans sa propre imagination, la part des responsabilités entre les mesures guerrières des États afin de déduire d’un présumé déséquilibre entre leurs mesures ou à travers la question infantile, tout droit sortie d’une cour de récréation, « qui a commencé ? » la décision toute personnelle quant à savoir à quel côté reconnaître un droit moral à la guerre. C’est un procédé par lequel un parti pris qui repose sur des raisons tout à fait différentes ne fait que se justifier lui-même. A tous les coups, cette mauvaise habitude trouve ses points de repère dans les calculs pratiques des stratèges des deux côtés avec les progrès militaires de leur adversaire.

[ 20 ]Les traités de l’OSCE définissent la sécurité des différents États comme leur droit laquelle est entre États souverains, justement remise en question par leurs pairs. Ces traités garantissent également à tous une sécurité commune ‘indivisible’. Ces traités déclarent donc parfaitement compatible cette contradiction, ce qui est une application très constructive du principe du droit international définissant la violence des États comme leur droit.

[ 21 ]« Article 6 : Les parties s’engagent à ne pas déployer de missiles terrestres à moyenne et courte portée en dehors de leur territoire ni dans des zones de leur territoire à partir desquelles ces armes pourraient atteindre des cibles situées sur le territoire de l’autre partie.

   Article 7 : Les parties s’abstiennent de déployer des armes nucléaires en dehors de leur territoire et rapatrient les armes déjà déployées en dehors de leur territoire dès l’entrée en vigueur du présent Traité. Les parties contractantes détruisent toute infrastructure existante pour le déploiement d’armes nucléaires en dehors de leur territoire. Les parties ne formeront pas le personnel militaire ou civil d’États non dotés de l’arme nucléaire à l’utilisation de cette dernière. Les parties n’organiseront pas de manœuvres ou d’exercices des forces armées générales impliquant des scénarios d’utilisation d’armes nucléaires. » (Voir « Treaty Between The United States of America and The Russian Federation on Security Guarantees » [« Proposition de traité entre les États-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité »], mid.ru, 17/12/2022)

[ 22 ]La Russie ne veut pas renoncer à une légitimation fondée sur le droit international et souhaiterait donc avoir la confirmation écrite que les États-Unis et l’OTAN violent les dispositions des traités de l’OSCE – « ce sera une autre confession. » Même à ce niveau, elle est constamment exposée aux attaques des représentants de « l’ordre mondial fondé sur des règles », qui font valoir leurs intérêts en les présentant comme des dispositions contraignantes et conformes au droit international. Inversement, ils insistent sur la délégitimation des intérêts russes par le droit international, afin que le monde des États rejoigne le front dirigé par les Américains.

[ 23 ]L’armée russe renforce sa présence, en particulier à la frontière occidentale et dans la région de la mer Noire, de manière si massive que la contre-menace devient également crédible. De son côté, elle effectue constamment des manœuvres, prouve par le lancement de satellites qu’elle maîtrise également la guerre dans l’espace, fait patrouiller des bombardiers stratégiques et tire - une nouveauté en matière de technique de guerre – des salves d’une nouvelle arme hypersonique, afin que l’autre partie comprenne bien ce que l’on est prêt à faire.

    « Le lancement en salve de douze missiles anti-navires hypersoniques du modèle ‘Zirkon’ la nuit de Noël [était] un cadeau d’un genre particulier à l’adresse de Washington. En effet, quelques jours avant la fête, un autre test d’arme hypersonique avait mal tourné pour les Etats-Unis. Selon les médias russes, le ‘Zirkon’ a le potentiel d’infliger des coups pour le moins très sensibles aux formations de porte-avions par lesquelles les États-Unis exercent leur domination sur les mers du monde. » (junge Welt, 5/01/22)

    « La Russie répond par le lancement d’un satellite ... Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg [déclare que] le test est inquiétant car il montre que la Russie développe de nouveaux systèmes d’armes qui pourraient également détruire l’infrastructure des systèmes civils de navigation et de communication sur Terre ... L’OTAN avait déjà décidé en juin que les attaques depuis ou dans l’espace pourraient à l’avenir être traitées comme un cas d’alliance en vertu de l’article 5 sur la défense collective. Cela s’appliquait jusqu’à présent aux attaques au sol ou dans l’espace aérien, maritime ou cybernétique. Cette mesure a notamment été justifiée par le fait qu’en cas de guerre, les attaques contre les satellites pourraient être utilisées pour paralyser certains aspects de la vie publique. Ainsi, le traitement des paiements sans numéraire, les réseaux de téléphonie mobile ou les systèmes de navigation pour les transports routiers, maritimes et aériens pourraient être gravement affectés. » (DWN, 16/11/21)

[ 24 ]Voir par exemple les propos de Victoria Nuland qui, en tant que secrétaire adjointe au ministère américain des Affaires étrangères, avait alors orchestré le renversement de Maïdan pour les Etats-Unis, lors de sa visite en Ukraine l’année dernière encore : « Lors de la rencontre avec les présidents des groupes parlementaires, … Victoria Nuland, réactivée après 2017, a, selon un participant, dit aux parlementaires qu’ils devaient arrêter d’aborder constamment ce sujet. Cela n’apporterait rien à l’Ukraine. » (junge Welt, 7/05/21)

[ 25 ]La représentante américaine auprès des Nations Unies écrit à la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU de prendre note de la manière dont la Russie va sévir en Ukraine après l’invasion ; la CIA a déjà eu connaissance des listes de morts :

    « Je voudrais attirer votre attention sur des informations inquiétantes que les États-Unis ont récemment reçues et qui indiquent que des violations et des abus des droits de l’homme sont prévus à la suite d’une nouvelle invasion. Ces actes, qui comprenaient des assassinats ciblés, des disparitions forcées, des détentions injustifiées et le recours à la torture lors de précédentes opérations russes, viseraient probablement ceux qui s’opposent aux actions russes, parmi d’autres des dissidents russes et biélorusses en exil en Ukraine, les journalistes et les militants anti-corruption, ainsi que les populations vulnérables telles que les minorités religieuses et ethniques et les personnes LGBTQI+. Nous disposons en particulier d’informations crédibles indiquant que les forces armées russes établissent des listes d’Ukrainiens destinés à être tués ou à être envoyés dans des camps après une occupation militaire. » (U.S. letter to the U.N. alleging Russia is planning human rights abuses in Ukraine, Washington Post, Updated 21/02/22)

    Des inculpations pour de probables crimes de guerre peuvent déjà être préparées.

[ 26 ]Ainsi l’administration US fait la leçon aux alliés européens : « En coulisses, des fonctionnaires américains ont commencé à échanger des informations avec des alliés européens et à les avertir qu’une nouvelle invasion russe en Ukraine pourrait être imminente. Des responsables américains et britanniques ont, chose inhabituelle, échangé des informations sur la menace avec des partenaires européens en dehors du réseau de renseignement Five Eyes, dont le seul membre européen est le Royaume-Uni... Ces dernières semaines, une équipe de diplomates et d’experts en sanctions, dont Molly Montgomery et Erik Woodhouse du département d’État, s’est rendue en Europe afin de jeter les bases de nouvelles sanctions conjointes des Etats-Unis et de l’Europe contre Moscou si le Kremlin ne cède pas. » (Foreign Policy, 6/12/21)

[ 27 ]« La Russie pourrait infliger des dommages considérables à l’armée ukrainienne en menant des frappes aériennes sur les lignes de front, les installations militaires et les infrastructures critiques... Bien que l’armée de l’air russe n’ait pas volé contre une défense aérienne ennemie depuis la guerre de Géorgie, il existe une multitude de missiles de croisière et de missiles balistiques qui peuvent entrer en jeu soit depuis la mer Noire, soit depuis le territoire russe, et le système de défense aérienne ukrainien aura du mal à en venir à bout... Une éventuelle attaque pourrait impliquer l’utilisation de missiles, d’artillerie lourde et de lance-flammes à longue portée... Ce serait incroyablement dévastateur pour la puissance terrestre ukrainienne. » (Financial Times, 31/12/21)

    « Les forces armées ukrainiennes sont certes meilleures qu’à l’époque où Poutine a commencé à découper le pays en morceaux en 2014, mais elles sont loin d’être assez puissantes pour arrêter une invasion russe. Il n’y a pas non plus de chance que les pays de l’OTAN interviennent militairement pour défendre l’Ukraine... Il existe toutefois des moyens d’augmenter les coûts d’une invasion pour Poutine... Bien que la Russie puisse facilement envahir l’Ukraine, c’est une autre affaire que d’occuper un pays à long terme, comme l’Amérique l’a dû constater en Irak. L’Ukraine doit se rendre indigeste. L’Occident devrait lui fournir davantage d’aide financière et d’armes défensives pour l’y aider. L’objectif [devrait] être de rendre même une petite guerre inintéressante pour M. Poutine. » (The Economist, 18/12/21)

    « La Lituanie a l’intention de fournir rapidement des caméras thermiques à l’Ukraine – mais aussi d’augmenter le nombre d’instructeurs de la mission nationale de formation en Ukraine et de poursuivre le traitement et la réhabilitation de soldats ukrainiens blessés sur son territoire. La Lituanie a été l’un des premiers pays à fournir une aide militaire à l’Ukraine après le coup d’État de Maidan au printemps 2014. Dans la même année suivaient les premières livraisons d’armes à feu portatives retirées avec leurs munitions à calibres soviétiques.

    La ministre canadienne de la Défense Anita Anand envisage d’augmenter de plusieurs centaines d’hommes la mission de formation militaire canadienne UNIFIER, actuellement forte de 200 hommes, dans l’ouest de l’Ukraine.... D’autres options seraient l’envoi d’un navire de combat en mer Noire ou le transfert d’une partie des avions de combat de type ‘CF-18’ actuellement stationnés en Roumanie... Le Canada prévoit en outre de construire une usine de munitions en Ukraine : la seule usine ukrainienne produisant des munitions pour armes de poing s’est retrouvée au cours du conflit armé dans l’est du pays sur le territoire de la République populaire de Lougansk et approvisionne désormais les milices populaires des deux républiques rebelles... L’Allemagne a également l’intention de continuer à aider l’Ukraine dans le domaine militaire. Cela concerne la construction d’un hôpital militaire en Ukraine, la livraison d’équipements médicaux et de consommables ainsi que le traitement des soldats ukrainiens blessés, y compris dans les hôpitaux de la Bundeswehr. » (fr.rt.com, 16/01/22)

    « Le ministre polonais de la Défense Mariusz Błaszczak a annoncé que le gouvernement du pays avait approuvé le 1er février la livraison aux forces armées ukrainiennes de systèmes de défense aérienne portables (MANPAD) à courte portée de type ‘Piorun’ (Thunderbolt) ainsi que de munitions... ‘Nous sommes prêts à fournir à l’Ukraine plusieurs dizaines de milliers de munitions et d’artillerie, des systèmes de défense aérienne, mais aussi des mortiers légers et des drones de reconnaissance’, a déclaré Morawiecki. » (defensenews. com, 2/02/22)

[ 28 ]« Depuis 2015, le Royaume-Uni a contribué à renforcer la résilience et les capacités des forces armées ukrainiennes dans le cadre de l’opération ORBITAL qui a formé plus de 22 000 soldats ukrainiens... Nous avons décidé de fournir à l’Ukraine des systèmes d’armes de défense légers et perforants. Un ... paquet de soutien à la sécurité complète la formation et les capacités dont l’Ukraine dispose déjà et qui sont également fournies par le Royaume-Uni et d’autres alliés en Europe et aux États-Unis. L’Ukraine a tout à fait le droit de défendre ses frontières, et ce nouveau paquet d’aide renforce sa capacité à le faire. Je tiens à préciser que cette aide est une capacité d’armement à court terme et clairement défensive ; ce ne sont pas des armes stratégiques et elles ne constituent pas une menace pour la Russie. » (Ben Wallace, gov.uk, 17/01/22)

[ 29 ]« L’Ukraine forme des volontaires et compte sur le fait que les partisans peuvent s’avérer être un facteur important de la résistance... Pour l’instant, des managers, des programmeurs, des vendeurs, des chauffeurs de camion traversent la forêt de pins près de Kiev avec des mitraillettes en bois. Des jeunes filles munies de trousses médicales participent également aux exercices. L’objectif du programme de préparation mené par le gouvernement ukrainien est de former la résistance civile qui poursuivra la lutte en cas de démantèlement de l’armée ukrainienne ... Des programmes similaires existent en Estonie, en Lettonie et en Lituanie, en réponse à la menace supposée de la Russie. Là-bas, on y habitue également une partie de la population civile et on enseigne les bases de la guerre de guérilla. » (Moskowskij Komsomolez, 27/12/21)

[ 30 ]« Depuis fin janvier, de nombreux États membres ont décidé de renforcer leur présence à court terme dans les pays baltes et la région de la mer Noire en réponse à la poursuite du déploiement russe... Selon l’Alliance, ces renforcements s’inscrivent dans le cadre de l’Acte fondateur OTAN-Russie, dans lequel l’Alliance s’était engagée en 1997 à ne pas déployer ‘durablement’ des troupes de combat ‘substantielles’ sur le territoire de l’ancien Pacte de Varsovie. Toutefois, il n’a jamais été défini ce que signifiaient « substantiel » et « durable » ; il existe à ce sujet des lectures différentes de part et d’autre. » (FAZ, 16/02/22)

[ 31 ]« Le Danemark est en pourparlers pour autoriser la présence de soldats et d’équipements militaires américains sur son sol, mettant ainsi fin à une politique de plusieurs décennies qui excluait les troupes étrangères de son territoire... Il ne s’agit pas d’ouvrir une base américaine propre, mais de permettre aux troupes américaines de s’entraîner et de réaliser des exercices avec leurs homologues danois, ainsi que de renforcer la coopération avec la marine, a déclaré le ministre de la Défense Morten Bodskov. Le Danemark, membre fondateur de l’OTAN en 1949, a pour politique de ne pas accepter de troupes étrangères ou d’armes nucléaires sur son sol depuis les années 1950, lorsqu’il a refusé, sous la pression de l’Union soviétique, d’autoriser les Etats-Unis à y déployer des troupes. » (Financial Times, 11/02/22)

    « Le Danemark et la Norvège, membres nordiques de l’Alliance, ont tous deux augmenté leur présence et leur préparation militaires dans le grand Nord et la mer Baltique. Le Danemark a mis à disposition des frégates supplémentaires et quatre avions de combat ‘F-16’ afin de soutenir les opérations navales et aériennes de l’OTAN dans la région de la mer Baltique. ‘Nos actions de soutien à l’OTAN ... visent à renforcer la souveraineté des Etats baltes. Nous fournirons des capacités supplémentaires si la situation évolue et si le besoin se fait sentir’, a déclaré Trine Bramsen, ministre danoise de la Défense. » (defensenews.com, 4/02/22)

    « L’armée norvégienne agrandit la base [de Bodø] afin d’y déployer également des avions de surveillance maritime P-8 Poseidon, déplaçant ainsi d’importantes installations de surveillance aérienne et maritime dans une zone où les exercices militaires russes se multiplient. » (defensenews.com, 6/01/22)

[ 32 ]La marine américaine poursuit ce même objectif. Depuis deux ans – et pour la première fois depuis la guerre froide – elle croise à nouveau des destroyers dans la mer de Barents afin de contrôler et neutraliser la flotte russe du Nord avec les sous-marins nucléaires, qui constituent l’épine dorsale de la capacité de seconde frappe de la Russie dans sa propre zone d’opération.

[ 33 ]« Pendant ce temps, le ministère américain de la Défense continue de déployer des avions ‘F-16’ dans les pays baltes, un autre point chaud pour les patrouilles aériennes de l’OTAN à la frontière avec la Russie. Au début du mois, des jets américains sont arrivés en Pologne, où ils se sont préparés à cette mission avec des ‘F-16’ polonais et belges. » (defensenews.com, 6/01/22)

[ 34 ]« Le retour des missiles à moyenne portée, provoqué par la fin du traité FNI, remet en question la sécurité de la Russie et influence sans aucun doute la prise de décision du pays. Depuis l’expiration du traité, la Russie a clairement indiqué par ses actions qu’elle ne permettrait pas que des missiles à moyenne portée soient à nouveau déployés en Europe. Cependant, non seulement la réaction de l’Occident n’a pas répondu aux préoccupations russes, mais elle a traité la réintroduction de ces missiles comme une chose acquise, se concentrant presque exclusivement sur l’avantage relatif que leur déploiement pourrait procurer aux États-Unis et à l’OTAN. L’élargissement de l’OTAN est peut-être la cause principale de l’action de la Russie à l’égard de l’Ukraine, mais le retour de ces missiles stratégiques est également un facteur que les États-Unis devraient prendre en compte. » (warontherocks.com, 28/01/22)

[ 35 ]« Nous allons réduire la capacité de la Russie ... de faire partie de l’économie mondiale ... nous porterons atteinte à sa capacité d’exister dans une économie de haute technologie du 21e siècle. » (Joe Biden, 24/02/22)

[ 36 ]Certains républicains demandent que les sanctions soient appliquées de manière préventive, à savoir l’interdiction de Nord Stream 2 indépendamment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils n’obtiennent certes pas encore la majorité au Sénat américain, le front uni avec l’Europe ne doit pas être mis en danger pour l’instant. « Une tentative de tous les partis d’adopter la ‘mère de toutes les sanctions’ a échoué après que les républicains ont insisté pour imposer des sanctions globales avant une invasion et que les démocrates, qui soutenaient la Maison Blanche, s’y sont opposés. » (New York Times, 18/02/22) La bonne idée d’appliquer cette ‘punition’ indépendamment du fait que l’infraction ait été commise a toutefois trouvé entre-temps une approbation plus large et se rapproche, en renonçant à tout déguisement moralisateur politique, du sens réel des sanctions, à savoir simplement d’achever l’adversaire.

[ 37 ]« Certains des impacts les plus forts de nos mesures ne se produiront qu’au fil du temps, lorsque nous réduirons l’accès de la Russie au financement et à la technologie pour les secteurs stratégiques de son économie et que nous affaiblirons sa capacité industrielle pour les années à venir ... nous prévoyons de réduire plus de la moitié des importations de haute technologie de la Russie. Cela portera un coup à sa capacité de continuer à moderniser son armée. Cela affectera l’industrie aérospatiale de la Russie, y compris son programme spatial. Cela réduira sa capacité à construire des navires... Ce sera un coup dur pour les ambitions stratégiques à long terme de Poutine. » (Ibid.)

[ 38 ]« Il s’agit de personnes qui profitent personnellement de la politique du Kremlin et qui doivent aussi en partager la souffrance. » (Ibid.)

[ 39 ]« A la question de savoir ce qui pourrait arrêter Poutine si les sanctions ne le pouvaient pas, Biden a répondu : ‘Je n’ai pas dit que les sanctions ne pouvaient pas l’arrêter. La menace de sanctions ... l’imposition de sanctions et la reconnaissance de l’effet des sanctions sont deux choses différentes ... Cela prendra du temps... Nous devons faire preuve de détermination pour qu’il sache ce qui l’attend. Et pour que les gens en Russie sachent ce qu’il leur a fait. C’est de cela qu’il s’agit.’ » (cnn. com, 25/02/22)

[ 40 ]« Les Etats-Unis et leurs alliés européens préparent le paquet de sanctions économiques et financières le plus agressif jamais ficelé ... Des hauts fonctionnaires de l’administration Biden ont déclaré qu’ils avaient élaboré des ‘paquets de sanctions spécifiques’ se concentrant sur les oligarques russes et les membres de leur famille. Ils n’ont pas voulu dire qui figurerait sur la liste par crainte d’un ‘risque de fuite’, mais le champ d’application pourrait être large. Lundi, le Royaume-Uni a promis d’introduire de nouvelles lois renforçant la capacité de Londres à prendre des mesures contre les entreprises liées au Kremlin et leurs propriétaires dans le pays... Les Etats-Unis et l’UE veulent également cibler le système bancaire russe et exclure Moscou du système financier international... Les plus grandes institutions financières russes, dont la Sberbank, la VTB, la banque Gazprom, le Fonds russe d’investissement direct et la banque Alfa, sont dans la ligne de mire... Les Etats-Unis et l’UE ont envisagé d’instaurer des contrôles stricts sur les exportations de technologies occidentales afin de nuire autant que possible à la base industrielle de la Russie et à sa capacité d’innovation... Des mesures qui incluent également les technologies émergentes comme l’informatique quantique et l’intelligence artificielle ... L’un des instruments les plus efficaces que les Etats-Unis pourraient utiliser est la ‘Foreign Direct Product Rule’ pour mettre au pas l’entreprise technologique chinoise Huawei. Cette règle empêcherait les pays tiers d’exporter vers la Russie certaines technologies sensibles contenant des composants américains. Le domaine politiquement et économiquement le plus sensible dans lequel les Etats-Unis et l’UE préparent des sanctions est sans doute le secteur de l’énergie. Moscou dépend fortement des exportations d’énergie comme source de réserves de devises, et l’UE couvre 40 % de sa consommation avec le gaz russe... Malgré une certaine incertitude quant à l’attitude du nouveau gouvernement allemand, les Etats-Unis et l’UE ont décidé qu’en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie, ils ne mettraient pas en service le gazoduc controversé Nord Stream 2, qui relie la Russie à l’Allemagne... Bruxelles s’inquiète d’un éventuel effondrement des livraisons de gaz en cas de guerre, soit en raison de dommages causés aux gazoducs ukrainiens, soit parce que la Russie limite ses livraisons de gaz. » (Financial Times, 2/2/22)

[ 41 ]« Aux citoyennes et citoyens de Russie : vous n’êtes pas notre ennemi. Et je ne pense pas que vous souhaitiez une guerre sanglante et destructrice contre l’Ukraine – un pays et un peuple avec lesquels vous partagez des liens familiaux, historiques et culturels si profonds. Il y a soixante-dix-sept ans, nos peuples se sont battus côte à côte et ont fait des sacrifices pour mettre fin à la pire guerre de l’histoire. La Seconde Guerre mondiale était une guerre de nécessité. Mais si la Russie attaquait l’Ukraine, ce serait une guerre librement choisie ou une guerre sans cause ni raison. » (Joe Biden, 15/02/22)

[ 42 ]« ’Si la Russie lance des cyber-attaques contre nos entreprises et nos infrastructures critiques, nous sommes prêts à y répondre’, a déclaré Biden... Selon le rapport [dans lequel de nombreuses options des Etats-Unis pour lancer des cyber-attaques majeures contre la Russie ont été présenté au président Biden], les options comprenaient l’interruption de la connexion Internet dans toute la Russie, la coupure de l’électricité et la perturbation du trafic ferroviaire russe. » (defenseone, 24/02/22)

[ 43 ]« Biden a déclaré que les Etats-Unis étaient prêts à aider à la mise en œuvre d’un accord de paix de 2015 avec des ‘mesures de confiance’... Des représentants du gouvernement ont laissé entendre que les Etats-Unis feraient pression sur l’Ukraine pour qu’elle cède un certain degré d’autonomie dans la région orientale du Donbass, actuellement contrôlée de facto par les séparatistes soutenus par la Russie... Pour Biden, le défi consistera à encourager Kiev à accepter certains faits sur le terrain dans l’est de l’Ukraine, sans donner l’impression de céder à Poutine... Cela pourrait inclure des mesures permettant à la région du Donbass, alliée de la Russie, de contrôler ses propres soins de santé, sa police et ses écoles... Interrogé mardi sur la nécessité de compromis ukrainiens, Sullivan a déclaré aux journalistes que ‘les Ukrainiens ont présenté des idées constructives sur la manière de faire avancer la diplomatie. Nous les encourageons à le faire. » (Associated Press, 10/12/21)

[ 44 ]Dans cette affaire, la situation est déjà classée : l’Occident ne peut en effet pas s’empêcher de déduire à une volonté russe urgente de se livrer à une escalade et de mener une guerre – cf. le tapage sur le fait que Poutine et Lavrov ne veulent pas être montrés du doigt lors de la conférence sur la sécurité de Munich : « Des centaines de décideurs présents à la conférence regrettent vivement que la Russie ne se présente pas. » (Président de la conférence Ischinger dans le magazine matinal de la chaîne ARD)

[ 45 ]« Après l’Union européenne, les Etats-Unis ont à leur tour mis en place leur sanction la plus lourde contre la banque centrale russe. Les transactions avec la banque centrale sont désormais interdites aux institutions et aux citoyens américains. En outre, la banque centrale de Moscou ne peut plus effectuer de transactions en dollars américains dans le monde entier, comme l’a déclaré un haut représentant de la Maison Blanche.

    Avec les sanctions des alliés, la majeure partie des réserves de devises russes, d’une valeur d’environ 630 milliards de dollars US, est désormais bloquée de facto et ne peut pas être utilisée par Moscou pour compenser les conséquences économiques de la guerre, a-t-il déclaré. Le fonds souverain russe, son chef et le ministère des Finances à Moscou seront également sanctionnés, a déclaré le ministère américain des Finances. » (Tagesschau, 28/02/22)


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